À la recherche du sens du travail : Une analyse avec l’enquête Conditions de travail 2013

Thomas Coutrot[1] et Coralie Perez[2]

Depuis une dizaine d’années émerge, dans le débat public, un questionnement autour de la perte de sens du travail. Elle est pointée comme un facteur de souffrance psychique (Mieg, 2019), et la presse se fait l’écho de choix d’orientations ou de reconversions professionnelles de diplômés ou de salariés en quête de sens[3]. Le succès mondial de Bullshit jobs (Graeber, 2018) a révélé qu’aux yeux de nombreux salariés leurs emplois sont dénués de sens. Plus récemment la crise sanitaire Covid 19 a encore intensifié les débats sur le sens du travail (Chevalier, 2020 ; Coutrot et Perez, 2020 ; Michaelson, 2020).

L’intérêt croissant pour cette question peut être rattaché aux effets délétères de la financiarisation sur la gestion de la main-d’œuvre et les conditions de travail (Palpacuer et al., 2007 ; Guyonvarch, 2008 ; Perez, 2014 ; Bruyère et al., 2017). Pour optimiser en permanence les rendements financiers, la gouvernance actionnariale impose des processus continus de fusions-acquisitions, de sous-traitance, de filialisation (Appelbaum et al., 2013 ; Thompson, 2013). L’organisation est devenue mouvante et imprévisible, ses contours flous, ses centres de décision lointains. Avec les outils numériques et la « datification » (Stein et al., 2019), le travail est codifié et standardisé, les obligations permanentes de reporting chiffré alimentent une « gouvernance par les nombres » (Desrosières, 2008 ; Supiot, 2015) ou un « metric power » (Beer, 2016), la détermination des objectifs du travail et l’évaluation de sa qualité dépendent de plus en plus d’indicateurs chiffrés qui ne font pas sens aux yeux des travailleurs (Moore, 2018). Aux côtés des facteurs plus anciennement identifiés (intensification du travail, perte d’autonomie, travail émotionnel, manque de reconnaissance et de soutien social, insécurité) (Gollac et Bodier, 2011), la perte de sens du travail apparaît ainsi comme un facteur psychosocial de risque émergent.

La littérature académique en économie a longtemps ignoré l’idée même que le travail pourrait avoir par lui-même un sens autre que sa rémunération monétaire. Certes, depuis les années 2000, le courant de l’« économie du bonheur » étudie la « satisfaction » ou le « bien-être » au travail, et des économistes institutionnalistes s’intéressent à la « qualité de l’emploi », mais sans évoquer l’idée que le travail pourrait avoir un sens en lui-même (Perez, 2017).

Dans un premier temps, nous menons une revue de littérature pluridisciplinaire pour étayer ce qui, du point de vue de la socio-économie, permet d’appréhender le concept de « sens du travail ». Nous retenons l’approche de la théorie critique en termes de « travail vivant » (Cukier, 2017) actualisée par la psychodynamique du travail (Dejours, 2013). Ceci nous conduit à retenir trois dimensions constitutives du sens du travail : le sentiment d’utilité sociale, la capacité de développement et la cohérence éthique. Dans un second temps, sur la base de l’exploitation des données de l’enquête « Conditions de travail 2013 », nous proposons une métrique du sens accordé par les salariés à leur travail en 2013 par la construction d’un score individuel pour chacune de ces trois dimensions. Dans un dernier temps, nous pouvons alors mettre en lien des caractéristiques socio-démographiques des salariés et de leur environnement professionnel avec le sens qu’ils accordent à leur travail.

1. Le sens du travail, un « concept essentiellement contesté »[4]

Abondamment utilisé depuis des décennies en psychologie et en sciences de gestion, le concept de sens du travail n’a éveillé que très récemment l’intérêt des économistes : « parmi ceux qui s’intéressent à la compréhension du comportement humain, les économistes ont la particularité de négliger le sens » (Karlsson et al., 2004 ; notre trad.). Une approche réellement pluridisciplinaire est inévitable pour cerner ce concept contesté.

1.1. La récente conversion des économistes

Du côté de l’économie académique, la question du sens du travail a longtemps été ignorée. Pour la théorie standard, l’offre de travail d’un individu est déterminée sur la base d’un arbitrage entre consommation et loisir. Le travail n’a pas de valeur en lui-même, au contraire : il ne prend un sens qu’à travers la rémunération qui compense sa pénibilité (« désutilité ») intrinsèque et permet au travailleur de satisfaire ses besoins de consommation. Ainsi, les décisions des agents économiques sur le marché du travail résultent exclusivement d’un calcul monétaire.

Il est vrai que des économistes du travail ont remarqué il y a déjà longtemps le rôle économique majeur que peuvent jouer des aspects non monétaires comme la satisfaction au travail (Freeman, 1977 ; Akerlof, 1982 ; Mueller et Price, 1990 ; Frey, 1997) : « tout portrait réaliste de la rotation du personnel doit inclure un rôle pour les récompenses non pécuniaires » (Akerlof et al., 1988 ; notre trad.). Le courant de « l’économie du bonheur » (Layard, 2005 ; Davoine, 2012 ; Senik, 2014) a proposé une vision élargie de l’utilité, allant au-delà de la dimension pécuniaire : dans ce cadre, le travail lui-même est susceptible de procurer une satisfaction, laquelle peut contribuer à déterminer certains comportements clés sur le marché du travail (Clark et al., 1998 ; Clark, 2010).

Néanmoins, jusqu’à récemment, peu d’économistes se sont intéressés aux déterminants non-monétaires de la satisfaction au travail. Quand c’était le cas, les déterminants les plus couramment cités étaient l’autonomie, la sécurité (Benz et Frey, 2008), les relations avec les collègues et les perspectives de promotion (Millan et al., 2013). Le contenu du « travail lui-même » (work itself) (Clark, 2001) ou son « intérêt » (interesting job) (Sousa-Poza et Sousa-Poza, 2000), étaient rarement évoqués, et les auteurs ne cherchaient guère à formaliser un concept de « sens du travail ». Quant aux travaux économiques sur la qualité de l’emploi, encouragés par la Commission européenne depuis la fin des années 1990, ils s’intéressent à des dimensions objectivables de l’emploi qui soient favorables au bien-être au travail : ni le sens du travail, ni même la satisfaction au travail, ne figurent parmi les six dimensions[5] retenues par les institutions internationales pour appréhender la qualité de l’emploi (Guergoat-Larivière et Marchand, 2012).

Les choses ont commencé à changer avec l’émergence, à partir du début des années 2000, et la forte croissance dans les années 2010, d’un courant de littérature qu’à la suite de Favereau (1989), on pourrait qualifier de « théorie standard doublement étendue »[6]. Sans jamais prononcer explicitement le terme de « sens du travail », ce courant cherche à rendre compte de la motivation intrinsèque des travailleurs par leur adhésion à la « mission » de leur organisation (François, 2000 ; Bénabou et Tirole, 2003 ; Besley et Gathak, 2005 ; Prendergast, 2008 ; Hannes et Tobias, 2015 ; Henderson et Van den Steen, 2015 ; Carpenter et Gong, 2016 ; Cassar et Meier, 2018 ; Cassar et Armouti-Hanssen, 2019 ; Barigozzia et Burani, 2019). Les auteurs partent du constat, directement repris de la littérature en psychologie, selon lequel les individus ne sont pas seulement des calculateurs égoïstes, mais peuvent aussi être motivés par des valeurs et des inclinations « prosociales » : « les psychologues et les sociologues décrivent le comportement des gens comme étant influencé par un fort besoin de maintenir la conformité entre ses actions, ou même ses sentiments, et certaines valeurs, objectifs à long terme ou identités qu’ils cherchent à défendre » (Bénabou et Tirole, 2006 ; notre trad.). Ces travaux visent essentiellement à modéliser mathématiquement les interactions entre divers types de motivations (égoïstes ou prosociales) et/ou à tester empiriquement leurs relations.

Au-delà des motivations liées à l’intériorisation de la « mission » générale de l’organisation, quelques auteurs, s’appuyant sur la psychologie sociale (Deci et Ryan, 1985), vont utiliser explicitement la notion de « sens du travail » en intégrant l’activité de travail elle-même comme possible source de signification pour le travailleur (Cassar et Meier, 2018), via trois de ses composantes : l’autonomie, le sentiment de compétence (feeling of competence) et les relations sociales (feeling of relatedness). Le sens du travail est ainsi reconnu comme une motivation non monétaire ancrée dans les conditions mêmes d’exercice du travail.

L’attention croissante aux « motivations prosociales » chez les économistes mainstream depuis la fin des années 2000, répond sans doute au discrédit du modèle de l’homo oeconomicus, mais surtout aux conséquences négatives du metric power sur le travail et la société, qui suscitent des attentes inédites vis-à-vis des entreprises, comme en témoignent les vifs débats sur les alternatives (« B corporations » ou « entreprises à mission ») à la gouvernance actionnariale: « les organisations d’aujourd’hui sont de plus en plus souvent jugées sur la base de leurs relations avec leurs travailleurs, leurs clients et leurs communautés, ainsi que de leur impact sur la société dans son ensemble – les transformant ainsi d’entreprises commerciales en entreprises sociales » (Deloitte, 2018 ; cité par Cassar et Meier, 2018 ; notre trad.).

Les économistes institutionnalistes, de façon peut-être paradoxale, ont davantage tardé à s’intéresser au sens du travail. Ceux qui ont abordé cette question, à notre connaissance principalement John W. Budd et David A. Spencer, fondent leur approche sur le concept d’aliénation : « Les rôles professionnels peuvent entrer en conflit avec la véritable conscience de soi, ce qui conduit à une inauthenticité que Marx a qualifiée d’aliénation » (Budd et Spencer, 2015, p. 5 ; notre trad.). L’aliénation s’enracine alors dans l’organisation capitaliste du travail : « pour de nombreux travailleurs, le travail est effectué avec une discrétion limitée et sans beaucoup de contenu créatif […] ce point clé est passé sous silence dans des études récentes sur le bonheur au travail » (Spencer, 2009, p. 130 ; notre trad.). Dans une visée critique, les recherches doivent s’efforcer de « saisir toute l’importance et la signification du travail dans la vie humaine » (Budd et Spencer, 2015, p. 182-183 ; notre trad.). Toutefois, ces intentions ne débouchent pas à ce stade sur une conceptualisation précise du sens du travail qui reste défini de façon très générique comme « un concept englobant qui comprend les aspects extrinsèques et intrinsèques du travail et est directement lié aux caractéristiques des emplois que les travailleurs exercent » (Spencer, 2015, p. 23 ; notre trad.).

1.2. Sciences de gestion : le sens du travail comme « état psychologique »

À la différence de la science économique, le sens du travail est un thème d’étude récurrent en psychologie (Judge et al., 2017), en sociologie (Hannique, 2004 ; Loriol, 2011 ; Yeoman et al., 2019[7]), et surtout en sciences de gestion où l’on ne compte plus les études sur le lien entre le sens du travail et les comportements des travailleurs.

Si les critères d’appréciation d’un travail qui a du sens (« meaningful work ») sont très divers, on peut néanmoins distinguer deux grandes manières d’approcher la question : une première approche, qu’on pourrait qualifier de « nominaliste », se fonde essentiellement sur le jugement direct du travailleur concernant le sens de son travail ; la deuxième approche (« essentialiste ») énonce un certain nombre de conditions que doit remplir une situation de travail pour avoir du sens[8].

L’approche nominaliste et subjective domine la foisonnante littérature gestionnaire sur le sens du travail (Brent et al. (2010) proposent une méta-analyse incluant plus de 200 articles sur le thème) : « l’immense majorité de ces travaux adopte une perspective psychologique plus que sociologique, ancrée dans l’expérience subjective individuelle du travail » (Rosso et al., 2010) plutôt que dans le rapport du sujet aux systèmes de normes et de valeurs sociales. Le sens (« meaningfulness ») du travail est défini comme « la mesure dans laquelle un employé estime que son travail a de la valeur et de l’importance » (Hackman, Oldham, 1976 ; notre trad.) ; « la valeur d’un objectif ou d’un but du travail, jugée par rapport aux idéaux ou aux normes propres à un individu » (Spreitzer, 1995 ; notre trad.). Il s’agit d’un « état psychologique » (Humphrey et al., 2007) qui assure la médiation entre les caractéristiques objectives du travail (conditions de travail, autonomie, soutien social, feedback…) et les « résultats » (outcomes) tels que la satisfaction au travail, l’engagement, la performance, l’absentéisme, le turnover…

Cet « état psychologique » peut être mesuré par un score fondé sur quelques questions directes. Il existe au moins 28 différentes échelles de mesure du sens au travail (Bailey et al., 2019), comme celles du COPSOQ[9] (Copenhagen Psychosocial Questionnaire) (Nübling, 2015), ou du WAMI[10] (Work As Meaning Inventory) (Steger et al., 2012). La littérature gestionnaire évalue alors les liens entre les pratiques d’organisation du travail et de gestion du personnel, l’état psychologique dit « meaningfulness » généré – ou non – par ces pratiques, et des résultats (« outcomes ») subjectifs ou objectifs comme la satisfaction au travail ou l’absentéisme.

Quant à l’approche « essentialiste », moins souvent employée, elle remonte à l’ouvrage fondateur d’Herzberg (1959), qui distingue deux types de facteurs de motivation : les facteurs extrinsèques ou « d’hygiène » (salaire, conditions de travail…), qui provoquent l’insatisfaction s’ils n’atteignent pas un niveau minimum, mais n’ont pas d’effet stimulant au-delà de ce niveau ; et les facteurs intrinsèques ou « de motivation », comme l’intérêt du travail, l’autonomie, les perspectives d’évolution et la reconnaissance du travail accompli.

Depuis, certains auteurs (Wrzesniewski et al., 1997 ; Lips-Wiersma et Moris, 2009 ; Lips-Wiersma et Wright, 2012 ; Steger et al., 2012) ont investigué les différentes dimensions du travail susceptibles d’en faire une expérience porteuse de sens. À la suite de nombreux entretiens avec des travailleurs et en se fondant sur une approche philosophique existentialiste, Lips-Wiersma et Wright (2012) dégagent quatre dimensions du sens : « le développement du moi intérieur, l’unité avec les autres, le service aux autres et l’expression du plein potentiel » (notre trad.). Les auteures proposent une échelle de mesure (Comprehensive Meaningful Work Scale) composée de 28 questions. La première dimension, « le développement du moi intérieur », se réfère aux besoins d’authenticité et de cohérence éthique[11] ; « l’unité avec les autres » renvoie au soutien social, « le service aux autres » à l’utilité sociale et environnementale du travail[12] et « l’expression du plein potentiel » concerne le développement des compétences[13]. Pour les auteurs, le sens du travail ne peut résulter d’une politique managériale de communication, car il s’agit d’un « besoin humain » fondamental ; il « répond à notre intérêt incontournable de pouvoir faire l’expérience des valeurs constitutives d’autonomie, de liberté et de dignité » (Yeoman, 2014 ; notre trad.).

1.3. Théorie critique : travail « vivant » et transformateur

De nombreux aspects de la vie au travail, y compris le salaire, peuvent donc contribuer à donner aux individus le sentiment que leur travail fait sens pour eux. Nous choisissons cependant ici de nous centrer sur le travail concret en lui-même, en tant qu’activité productive finalisée par un but utile. L’activité de travail, à la différence du jeu, n’est pas menée uniquement pour le plaisir qu’elle peut éventuellement procurer, mais en vue de la production d’un bien ou d’un service. Ce qui peut donner un sens intrinsèque à son travail concret aux yeux du travailleur, c’est donc l’impact de son activité sur le monde (le bien ou service produit) et sur lui-même (par exemple le plaisir éventuellement ressenti lors de l’activité de travail). Pris dans cette acception, le « sens du travail » se distingue du « sens au travail », apporté par les gratifications matérielles (salaire, carrière) ou psychologiques (reconnaissance, sociabilité) attachées à l’occupation d’un emploi. On n’est pas très éloigné du concept de « vocation » (calling), du moins quand il est défini comme « la conviction que le travail contribue au plus grand bien et rend le monde meilleur » (Wrzesniewski et al., 1997 ; Steger et Dik, 2009), ou bien du concept de « mission » (Bénabou et Tirole, 2003). Dans cette optique, c’est le sentiment de transformer positivement le monde, et pas seulement de faire quelque chose pour soi-même, qui peut conférer du sens au travail (Arnoux-Nicolas et al., 2017).

Le travail possède une double fonction transformatrice. Il transforme la nature pour produire des « objets utiles à la vie », mais il transforme aussi l’être humain qui travaille : « en même temps qu’il agit sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature et développe les facultés qui y sommeillent » (Marx, 1867, I-3, p. 180). Depuis, l’ergonomie, la sociologie, la psychologie et plus particulièrement la psychodynamique du travail ont largement confirmé ce diagnostic : « travailler, ce n’est pas seulement produire ou fabriquer, ce n’est pas seulement transformer le monde, c’est se transformer soi-même et, dans le meilleur des cas, s’accroître soi-même, construire sa santé et son identité » (Molinier, 2002).

Nous distinguons donc deux dimensions du sens intrinsèque du travail. La première concerne la finalité : l’impact du travail concret sur le monde (le « service aux autres » dans les termes de Lips-Wiersma et Wright (2012)). Le travailleur éprouve le sentiment que son travail a du sens, il ressent un « jugement d’utilité » (Dejours, 2013) quand il voit que le produit concret de son travail permet de satisfaire les besoins de ses destinataires.

La seconde dimension a trait aux conflits éthiques. Le jugement d’utilité ne suffit pas si le travail concret occasionne des effets secondaires indésirables. Dans certaines situations, la satisfaction des besoins de clients ou d’usagers, telle que conçue par le management, est subordonnée à la valorisation du travail abstrait comme capital, au détriment de normes professionnelles : les salariés sont alors empêchés de ressentir le sentiment du « travail bien fait », le « jugement de beauté », la reconnaissance de la qualité du travail (Dejours, 2013). La logique du travail abstrait peut aussi favoriser la violation de normes éthiques au cours du travail, portant ainsi préjudice à des tiers ou à la nature.

Ces conflits éthiques peuvent réduire ou anéantir aux yeux du travailleur le sens de son travail, en entravant le « développement du moi intérieur » (Lips-Wiersma et Wright, 2012). L’incapacité de faire du « bon travail » peut porter atteinte à la santé mentale (Clot, 2014), même si les indicateurs officiels de qualité sont au vert. Ainsi de ces guichetiers de la Poste que la direction, par souci de rentabilité financière, incite à demander aux usagers de défaire leur colis, pourtant bien ficelé, pour acheter un colis pré-affranchi (Clot, 2010, p. 42). Ou bien de ces conseillers bancaires qui se sentent « encouragés à faire n’importe quoi » pour vendre des produits financiers à leurs clients (Gilson, 2010, p. 20). Cette dimension de l’impact du travail sur le monde se dédouble donc en deux sous-dimensions : l’utilité des biens et services, et la conformité du processus de travail aux normes éthiques et professionnelles.

Outre le monde extérieur, le travail transforme également le travailleur lui-même. Afin de réaliser ses tâches, il doit mobiliser sa subjectivité et son intelligence pour faire face aux imprévus qui débordent les ordres et procédures prescrites par le management. Le déploiement de ce « travail vivant » (Henry, 1990 ; Dejours, 2013) est source de développement des capacités d’action et de construction de la santé psychique (« expression du plein potentiel » dans les termes de Lips-Wiersma et Wright (2012)) : « surmonter la difficulté de la tâche, c’est sortir victorieux et renforcé de la confrontation avec la résistance du réel; cela signifie, à la fois, augmenter les pouvoirs d’action, de perception et de sensibilité de la personne, et ainsi accroître le sentiment d’identité psychique qui en résulte, en tant que maîtrise de son pouvoir vital » (Dejours et al., 2018, p. 90).

C’est pourquoi l’organisation du travail est déterminante pour que celui-ci ait du sens : « le niveau de compétence requis pour le poste, les différentes capacités qui doivent y être exercées, le potentiel de développement de ces capacités et l’acquisition de nouvelles compétences par le travail, la possibilité de développement personnel, d’expression de soi, et l’exercice de son pouvoir de jugement, tous ces éléments contribuent à la qualité du travail d’une manière qui le rend plus ou moins signifiant (meaningful) ou épanouissant pour le travailleur » (Dejours et al., 2018, pp. 59-60). A contrario, par le biais des outils technologiques et gestionnaires visant à standardiser les tâches et normaliser les rendements financiers, « la subjectivité – le travail vivant – se trouve progressivement éliminée du procès réel de la production tandis que la part en lui du dispositif instrumental objectif ne cesse de grandir » (Henry, 1990, p. 161 ; cité in Cukier, 2017).

Nous allons maintenant tenter d’opérationnaliser statistiquement ces concepts en utilisant les questions correspondant à ces différentes dimensions dans les enquêtes françaises sur les conditions de travail.

2. Construction et caractéristiques des indicateurs de sens du travail

Agir sur le monde en se sentant utile aux autres et sans violer ses valeurs morales et professionnelles, exercer son « travail vivant » en développant habileté et créativité : telles sont donc les dimensions du « sens du travail » que nous allons maintenant analyser au plan statistique en utilisant l’enquête Conditions de travail de 2013 (encadré 1).

Encadré 1. Les données : l’enquête Conditions de travail 2013

Les enquêtes « Conditions de travail » sont menées par la Dares, le service des études et de la recherche du ministère du Travail, en collaboration avec l’Insee, depuis 1978. Elles ont été renouvelées tous les 7 ans depuis 1984. Elles sont menées en face-à-face au domicile des personnes et concernent tous les actifs occupés, salariés ou non, l’échantillon étant représentatif de la population de 15 ans et plus exerçant un emploi. Le questionnaire comporte plus de 800 variables et décrit finement les contraintes physiques et organisationnelles, l’organisation du temps de travail et de la prévention des risques professionnels, la santé perçue et l’absentéisme pour maladie.

En 2013, le dispositif a été renouvelé. Un auto-questionnaire rempli par l’enquêté permet de mesurer l’exposition aux risques psychosociaux. Une enquête postale auprès des employeurs des salariés interrogés, pour les établissements d’au moins 10 salariés, a été menée afin de connaître la structure de l’entreprise et ses politiques de gestion des ressources humaines et de santé au travail.

Le champ de l’enquête ici retenu est l’ensemble des salariés répondants en 2013 (hormis les stagiaires et les intérimaires, pour lesquels le caractère provisoire et précaire de l’insertion dans l’emploi rend difficile d’investiguer le sens du travail) : l’échantillon comporte 27 227 individus, et est pondéré pour être représentatif des 23 millions de salariés des secteurs public et privé (toutes tailles d’entreprise).

2.1. L’impact du travail sur le monde

Comme on l’a vu, cette dimension se dédouble donc en l’utilité sociale des biens et services et la cohérence éthique.

2.1.1. L’utilité des biens et services

Dans l’enquête CT 2013, 70 % des salariés répondent avoir « toujours » ou « souvent » l’impression de faire quelque chose d’utile aux autres. D’autre part, 65 % déclarent être « toujours » ou « souvent » « fiers de travailler dans leur entreprise ou organisation », très probablement parce qu’ils ont conscience de la reconnaissance dont bénéficie leur entreprise eu égard à la qualité de ses produits ou services. Les deux variables sont fortement corrélées : 52% des salariés ont un fort sentiment d’utilité sociale au regard des deux indicateurs pris simultanément. Le score synthétique d’utilité sociale varie de 0 à 6 : 0 pour les personnes ayant répondu « jamais » aux deux questions, et 6 à celles ayant répondu « toujours »[14].

2.1.2. La cohérence éthique

En engageant sa subjectivité dans le travail, le travailleur est exposé à de possibles conflits de valeurs ou éthiques : la seconde sous-dimension de l’impact du travail est la possibilité d’agir en fonction de ses valeurs morales (faire ce qui semble juste) et professionnelles (sentiment de bien faire son travail). En 2013, 9 salariés sur 10 répondent ne devoir faire que parfois ou jamais « des choses qu’ils désapprouvent dans leur travail ». Deux salariés sur trois déclarent éprouver toujours ou souvent le « sentiment du travail bien fait ». Enfin, sept salariés sur dix estiment ne devoir que parfois ou jamais « devoir faire trop vite une opération qui me demanderait davantage de soin ».

Pour synthétiser ces variables (significativement corrélées entre elles) ayant trait au sentiment de pouvoir travailler en conformité avec ses valeurs, le score de cohérence éthique varie de 0 (très forts conflits éthiques[15]) à 9 (très forte cohérence entre le travail et les valeurs).

2.2. La capacité de développement

La deuxième dimension du sens du travail concerne la possibilité de déployer sa créativité, d’apprendre, de développer ses compétences, de réaliser son potentiel, qu’on appellera ici « capacité de développement ». Le travail a un potentiel émancipateur, permettant l’expression de l’individualité de chacun, de sa créativité (Lips-Wiersma et Wright, 2012 ; Spencer, 2015). Dans le modèle JD-C (job demand / control) de Robert Karasek, cette dimension est présente en tant que « skill discretion » (utilisation et développement des compétences), une sous-dimension de la latitude décisionnelle ; elle est mesurée par des questions comme « j’ai l’occasion de développer mes compétences professionnelles » ou « dans mon travail je dois apprendre des choses nouvelles ». Dans la conception de la clinique du travail, la santé s’identifie à la capacité à agir sur son environnement : elle repose sur la possibilité « de développer son pouvoir d’agir individuel et collectif sur la situation en la recréant » (Clot, 2010, p. 168). Les formes de standardisation et de contrôle du travail prenant appui sur les technologies numériques, parfois désignées sous le terme de « digital taylorism » (Brown et al., 2010) ou « néo-taylorisme », affectent particulièrement cette dimension du sens au travail. De même lorsque les tâches de reporting et de planification viennent phagocyter le cœur de l’activité de travail (Dujarier, 2015).

Quatre questions permettent de cerner cette dimension du sens au travail. Il ressort que 66 % des salariés estiment avoir « l’occasion de développer [leurs] compétences professionnelles ». Déployer son habileté professionnelle peut être lié à la latitude que le salarié a pour organiser son travail : 81 % des salariés répondent pouvoir « toujours » ou « souvent » « organiser mon travail de la manière qui me convient le mieux ». Mettre en œuvre son habilité et sa créativité est aussi une source de plaisir : 54 % des salariés répondent avoir souvent ou toujours « la possibilité de faire des choses qui me plaisent ». Cela exclut qu’on y ressente l’ennui : 90 % des salariés disent ne ressentir de l’ennui que parfois ou jamais. Afin de synthétiser l’information contenue dans ces 4 variables (toutes significativement corrélées entre elles), le score calculé qui varie de 0 (réponses « toujours » aux 3 premières questions et « jamais » à la question sur l’ennui) à 12 (l’inverse).

Sur la base de ces trois scores, un score global de sens du travail est calculé en effectuant la somme des valeurs centrées et réduites[16] de chacun d’eux. La distribution du score global fait apparaitre un score moyen (cf. fig. 1) légèrement inférieur à la médiane, reflétant la présence de situations de sens du travail très dégradées qui tirent la distribution vers le bas. À présent, nous allons rechercher les déterminants de cet indicateur global de sens du travail, ainsi que de chacune des dimensions qui le composent.

Fig. 1 : Distribution du score de sens au travail pour les salariés (du privé et du public) en 2013

Source : enquête CT 2013. Champ : les salariés du secteur privé et du public, en CDI/fonctionnaire ou CDD.

2.3. Le sens du travail : une analyse descriptive

Nous recherchons maintenant les facteurs individuels et organisationnels significativement corrélés au score de sens du travail, ceteris paribus. Sur le plan des caractéristiques individuelles, sont introduits l’âge, le sexe et le niveau de diplôme[17]. Sur les caractéristiques de l’emploi occupé, sont retenus la catégorie socio-professionnelle, le type de contrat de travail (stabilité et nature publique ou privée de l’employeur), ainsi que la durée du travail et le salaire, ce dernier étant, comme on l’a vu, souvent considéré comme un facteur de motivation extrinsèque. Travailler en contact avec le public étant positivement corrélé au score de sens – du fait de la plus grande proximité des destinataires du travail – cette variable est donc introduite dans l’analyse. Enfin, l’établissement est caractérisé par sa taille, son secteur d’activité et par le fait d’avoir connu des changements organisationnels et/ou une restructuration (ici déclarés par le salarié), dont nous faisons l’hypothèse qu’ils sont de nature à réduire le score de sens du travail

Encadré 2 : Les « emplois essentiels » et le sens du travail

Lors de l’épidémie de coronavirus qui a paralysé l’Europe pendant deux mois, certaines professions ont été qualifiées d’« essentielles » du fait du caractère indispensable à court terme de leur activité. Il est frappant de constater que plusieurs de ces professions avaient, avant l’épidémie, une vision plutôt négative du sens de leur travail. Ainsi les caissièr·es et employé·es de libre-service (près de 80 % de femmes) ont un score moyen de sens au travail nettement inférieur à celui de l’ensemble des salariés, du fait d’un moindre sentiment d’utilité sociale et d’une faible capacité de développement. Les ouvriers de la manutention, particulièrement mobilisés dans la vente à distance pendant le confinement, trouvent eux aussi globalement moins de sens à leur travail que la moyenne des salariés, du fait d’un moindre sentiment d’utilité sociale et d’une plus faible capacité de développement.

On peut également être surpris du fait que les professions médicales (médecins, infirmier·es, aides-soignantes) n’apparaissent pas parmi celles qui trouvent le plus de sens dans leur travail, la crise sanitaire du coronavirus ayant attesté du caractère essentiel de leur activité. Parmi ces professions, les aides-soignantes (88 % de femmes) sont celles qui déclarent relativement trouver le moins de sens dans leur travail, celles du secteur public encore moins que celles du privé. De même, les enseignants, dont le rôle essentiel a été souligné pendant le confinement, n’attribuaient pas avant la pandémie un sens plus élevée que la moyenne des salariés à leur travail. De prochaines études pourront évaluer si la pandémie a ou non bouleversé la hiérarchie des professions selon le sens qu’elles attribuent à leur travail.

Selon un modèle de régression linéaire par les MCO [tableau 2], à caractéristiques observées similaires, le score global de sens du travail est plus élevé pour les cadres, mais aussi pour les salariés peu diplômés et ceux des petits établissements (moins de 50 personnes). En cohérence avec l’idée de « mission » relevant d’un intérêt social, il est plus important pour les salariés exerçant des fonctions de soin et, plus généralement, pour les salariés travaillant en contact avec le public (pour un focus sur certaines professions mises en exergue lors de la crise sanitaire, voir encadré 2). En revanche, les salariés exerçant dans la manutention ou les fonctions commerciales voient moins de sens à leur travail relativement aux autres ceteris paribus.

Tableau 2 : Les scores de sens du travail caractéristiques socio-démographiques et d’environnement professionnel en 2013 (régressions des moindres carrés ordinaires)

régression MCO

utilité sociale

cohérence éthique

capacité de développement

indicateur global

femme

-0,07⁺⁺

ns

ns

Ns

âge >= 50 ans

0,10⁺⁺

0,16⁺⁺

0,10⁺⁺

0,22⁺⁺

âge [30-50[

ref

ref

ref

ref

âge <30 ans

ns

ns

ns

ns

cadre

0,09⁺⁺

ns

0,62⁺⁺

0,36⁺⁺

profession intermédiaire

ref

ref

ref

ref

employé

ns

0,11⁺⁺

₋0,52⁺⁺

-0,17⁺⁺

ouvrier

₋0,19⁺⁺

0,10⁺⁺

₋0,76⁺⁺

-0,42⁺⁺

diplôme < bac

0,19⁺⁺

0,24⁺⁺

0,16⁺⁺

0,36⁺⁺

bac

ref

ref

ref

ref

diplôme > bac

₋0,08⁺*

-0,07⁺⁺

ns

-0,10⁺

CDI

ref

ref

ref

ref

fonctionnaire

0,11⁺⁺

₋0,10⁺⁺

0,18⁺⁺

0,09⁺⁺

CDD

0,19⁺⁺

0,32⁺⁺

ns

0,35⁺⁺

Production, chantier,
exploitation

ns

₋0,16⁺⁺

ns

-0,21⁺⁺

Installation, réparation, maintenance

ns

ns

ns

ns

Gardiennage, nettoyage, entretien ménager

0,14⁺⁺

ns

₋0,42⁺⁺

ns

Manutention, magasinage, logistique

₋0,27⁺⁺

-0,16⁺⁺

₋0,48⁺⁺

₋0,51⁺⁺

Secrétariat, saisie, accueil

ref

ref

ref

ref

Gestion, comptabilité

ns

ns

0,21⁺⁺

ns

Commercial, technico-commercial

₋0,16⁺⁺

₋0,15⁺

-0,16⁺

₋0,28⁺⁺

Études, recherche et développement, méthodes

ns

ns

0,33⁺⁺

ns

Enseignement

0,25⁺⁺

ns

ns

ns

Soin des personnes

0,43⁺⁺

₋0,17⁺⁺

0,21⁺⁺

0,28⁺⁺

Autres fonctions

0,09⁺

ns

ns

ns

10-49 salariés

0,04⁺

0,08⁺⁺

0,10⁺⁺

0,13⁺⁺

50-499 salariés

ref

ref

ref

ref

500 salariés et +

0,06⁺

ns

ns

ns

contact avec le public

0,22⁺⁺

-0,14⁺⁺

0,22⁺⁺

0,16⁺⁺

niveau de salaire

0,0001⁺

ns

0,0001⁺⁺

0,0001⁺⁺

Temps partiel

-0,11⁺⁺

ns

-0,12⁺⁺

-0,12⁺⁺

restructuration, changement de management

₋0,28⁺⁺

₋0,52⁺⁺

₋0,47⁺⁺

₋0,76⁺⁺

changement
organisationnel

₋0,26⁺⁺

₋0,55⁺⁺

₋0,54⁺⁺

₋0,80⁺⁺

Source : Enquête CT 2013 ; champ : salariés en 2013 ayant renseigné l’autoquestionnaire, hors stagiaires et intérimaires.

Note de lecture : ₋ ₋ ou ⁺ ⁺ indique un coefficient significatif au seuil de 1 % (resp. 5 % pour ₋ ou ⁺) dans un modèle de régression multiple (MCO) où la variable expliquée est le score de sens du travail en 2013 (ou l’une de ses composantes).

Enfin, les salariés qui signalent avoir connu au moins un important changement dans leur travail au cours de 12 derniers mois (une restructuration, un rachat, un plan de licenciement ou un licenciement ; ou bien un autre changement organisationnel impactant leur travail), voient significativement moins de sens à leur travail, toutes choses égales par ailleurs, que ceux qui évoluent dans un environnement plus stable. Ce moindre sens du travail est en premier lieu dû à des conflits de valeurs ou éthiques induits par ces changements organisationnels qui, en second lieu, entravent aussi les capacités de développement des salariés. Ils affectent significativement, mais plus marginalement, leur sentiment d’utilité sociale. Ceci concorde avec ce que nous avions pu montrer avec un matériau qualitatif, à savoir que dans le cas des restructurations financières, le sentiment d’insécurité, de perte de repères, mais aussi la difficulté à continuer à faire un travail de qualité, conduisent les salariés à une réflexion critique sur le fonctionnement de leur société, voire sur le fonctionnement de la société, se demandant quel sens il y a à s’engager encore dans le travail (Perez, 2014). Nos résultats rejoignent aussi globalement ceux obtenus sur la même enquête mais par une méthode différente par Bruyère et Lizé (2020).

Conclusion

Dans notre approche théorique, fondée sur la théorie critique du travail vivant, le travail trouve du sens quand son expérience permet à la personne de se sentir capable de transformer positivement le monde (sentiment d’utilité sociale et de cohérence éthique) et soi-même (capacité de développement). Par rapport à la grille d’analyse classique (Gollac et Bodier, 2011) distinguant l’intensité du travail, le manque d’autonomie, l’intensité émotionnelle, les rapports sociaux conflictuels, les conflits éthiques et l’insécurité socio-économique, l’approche en termes de sens du travail met un accent original sur la capacité de développement et l’utilité sociale.

L’essor récent du débat sur le sens du travail reflète selon nous l’emprise de la standardisation et de la datification du travail sous domination financière qui dégrade les capacités de développement des salariés et les expose à des conflits de valeurs. En proposant une métrique du sens du travail, notre contribution ouvre la voie à des travaux empiriques cherchant à apprécier le lien entre le sens que les salariés accordent à leur travail et leurs comportements dans l’emploi et sur le marché du travail tels que l’absentéisme et la mobilité professionnelle.

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  1. Ministère du Travail, Dares.
  2. Université Paris 1, Centre d’économie de la Sorbonne.
  3. https://bit.ly/2Ykj54D ; https://bit.ly/2YiWRQi
  4. Selon l’expression de W. B. Gallie, 1956 (« an essentially contested concept ») ; cité par Yeoman et al., 2019.
  5. i) la santé, la sécurité au travail et les conditions de travail, ii) les rémunérations, iii) le temps de travail et la conciliation vie professionnelle/vie familiale, iv) la sécurité de l’emploi et la protection sociale, v) le dialogue social et la représentation collective, vi) la formation tout au long de la vie.
  6. Pour Favereau (1989), la « théorie standard » est « étendue » par la prise en compte explicite, en tant que mécanisme de coordination des agents économiques alternatif au marché, de « l’organisation comme nœud de contrats ». Elle reste néanmoins « standard » par sa focalisation sur l’optimisation individuelle des agents.
  7. Voir Saccomano (2017) pour une revue de littérature en sociologie sur ce sujet.
  8. Nombre de travaux emploient une approche mixte, mélangeant questions directes sur le sens et questions sur des facteurs propices au sens.
  9. « Is your work meaningful? », « Do you feel that the work you do is important? », « Do you feel motivated and involved in your work?  » Le Copsoq est inscrit par ses concepteurs dans la théorie psychologique du « sens de la cohérence » (Antonovsky, 1979), où la capacité à donner du sens est vue comme un trait de personnalité influençant la façon dont l’individu se confronte (coping) à son environnement.
  10. Qui se fonde sur des items comme « I understand how my work contributes to my lifes meaning » ou « my work helps me make sense of the world around me ».
  11. Les items du CMWS associés à cette dimension sont: « At work my sense of what is right and wrong gets blurred », « I dont like who I am becoming at work », « At work I feel divorced from myself ».
  12. L’un des items est « we contribute to products and services that enhance human well-being and/or the environment ».
  13. Par exemple, « I create or apply new ideas and concepts » ou « I experience a sense of achievement ».
  14. Plus précisément, dans le cas du score d’utilité sociale, la contribution de chaque question est par convention :
    tableaudeliberer
  15. La personne a répondu ne « jamais » éprouver le sentiment du travail bien fait, et ressentir « toujours » la nécessité de faire des choses qu’elle désapprouve et de faire trop vite une opération qui demanderait davantage de soin (cf. la note précédente pour le principe de calcul des scores).
  16. Dans l’objectif de ne pas accorder plus de poids au score composé de plus de questions.
  17. Le même modèle a été estimé avec une variable de contrôle supplémentaire, le score WHO5, permettant de saisir le bien-être mental de la personne et susceptible d’affecter le rapport qu’elle entretient avec son travail. Le score WHO5 est le score de bien-être de l’Organisation Mondiale de la Santé. Il est calculé à partir de plusieurs réponses au questionnaire et varie de 1 à 25. Plus le score est élevé, plus le « bien-être » est élevé. Cette variable est significativement corrélée au sens du travail ainsi qu’à chacune de ses dimensions : le sens du travail s’accroît avec le bien-être psychologique. La causalité peut aller dans les deux sens : un travail qui a du sens peut améliorer la santé, et une bonne santé peut favoriser la perception d’un sens au travail. Les résultats des estimations restent cependant identiques en significativité pour nos variables d’intérêt, bien que plus faibles en niveau.


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