La notion de hors-travail
chez Médecins Sans Frontières
Ludovic Joxe[1]
Introduction
Lorsque des physiciens partent mener des expériences sur une base en Antarctique pendant un an, lorsque des astronautes s’envolent en orbite autour de la Terre pour six mois, lorsque des sous-mariniers naviguent dans un même bathyscaphe plusieurs semaines d’affilée, tous partagent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 les mêmes lieux de travail et d’habitation. Leurs possibilités de communiquer avec leur famille, de conserver un espace personnel de vie et d’échapper aux règles de leur employeur y sont limitées. Quel sens revêt dès lors la notion de hors-travail lorsque les individus restent contraints par leur univers de travail sans interruption pendant des mois ? Dans quelle mesure existe-t-il pour autant des espaces d’intimité ? Comment se vit la distinction entre travail et hors-travail, a fortiori dans des professions qui relèvent plus de la passion que de l’obligation ? Dans quelle mesure les temporalités de travail décalées de ces individus impactent-elles leur vie de famille, leurs relations amicales ou leur intégration dans leur tissu social d’origine ?
Pour répondre à ces questions, je m’intéresserai dans cet article aux travailleurs expatriés de l’organisation humanitaire Médecins Sans Frontières (MSF). Au-delà des temporalités de l’urgence qui imposent une disponibilité parfois complète à toute heure du jour et de la nuit (Houssin, 2006), les travailleurs humanitaires font face aux temporalités associées à l’expatriation et à l’éloignement de leur pays d’origine pendant plusieurs mois (Näsholm, 2012 ; Kaler et Parkins, 2018). Comme les chercheurs en Antarctique, les astronautes ou les sous-mariniers cités précédemment, ces travailleurs font l’expérience d’emplois du temps atypiques, non pas seulement en termes d’heures ou de jours décalés comme la littérature a l’habitude de les définir (Presser, 2003 ; Barthe et al., 2004 ; Jamal, 2004 ; Täht et Mills, 2016), mais en termes de mois décalés. Ces travailleurs vivent en effet une partie de l’année éloignés de leurs proches, dans des contextes où ils doivent partager de façon continue leur quotidien avec des collègues qui ne sont pas toujours leurs amis et où les échappatoires physiques et mentaux sont restreints.
Situés en haut de la hiérarchie décisionnaire, les travailleurs expatriés de MSF ne représentent que 10 % des près de 50 000 individus salariés par MSF. Figures médiatiques de l’organisation, les expatriés ouvrent, gèrent et ferment des projets[2] dans des pays desquels ils ne sont pas issus. Supposés disposer des compétences et des diplômes nécessaires pour de telles responsabilités, ils sont aussi réputés être les garants de la vision et des façons de faire de l’organisation. Les 90 % restants des salariés sont des personnels locaux qui, soumis à des horaires précis et ayant la possibilité de rentrer dans leur foyer familial tous les soirs, ne nous intéresseront pas ici. Les médecins, les infirmiers, les aides-soignants, mais aussi les chauffeurs, les gardiens, les agents de maintenance, les comptables sont en effet en grande majorité recrutés localement.
Si la notion de travail est ambivalente et désigne aussi bien une activité éreintante (par la pénibilité et les efforts associés) qu’épanouissante (par le sens que l’on y donne et par l’idée que « le travail, c’est la santé »), aussi bien un moment de productivité (par les résultats obtenus) que de lassitude stérile (par les principes de bureaucratie, voire de placardisation), aussi bien un mécanisme de reproduction sociale (par le salariat, la subordination ou l’aliénation) qu’un vecteur d’émancipation (par la méritocratie)[3], il semble que la notion de hors-travail se soit construite en miroir des aspects les plus péjoratifs de celle de travail. La notion de hors-travail fait ainsi souvent référence au temps dit « libre », au loisir, au jeu, au sport (Lafortune, 2004, p. 201), au plaisir, à l’expression de soi, au développement personnel (Ollier-Malaterre, 2008, p. 47), au repos, à l’intimité, à la sphère privée (Goldfinger, 1998, p. 30), ou à la famille (Godechot et al., 1999 ; Barel et Frémeaux 2005). Selon Charles Goldfinger ou Jean-Marie Lafortune, le hors-travail est aussi « un trou noir qui échappe aux règles de l’économie » (Goldfinger, 1998, p. 30), cette « période pendant laquelle les individus ne sont pas sommés de contribuer directement au procès de production » (Lafortune 2004, p. 201). Cet article s’appuie sur cette dernière définition de la notion de hors travail, comme l’espace dans lequel l’employeur ne s’immisce pas, comme le temps durant lequel l’activité n’est pas mesurée, comme un temps hors-employeur.
Me basant sur une observation participante lors d’une dizaine de missions avec MSF en tant qu’expatrié de 2011 à 2020 (Colombie, Éthiopie, Congo-Brazzaville, Centrafrique, Niger, Tanzanie, Ukraine, Haïti, Pakistan, République Démocratique du Congo), je développe mon argument en deux parties : une première où je m’intéresse aux différents espaces de contrôle de l’organisation, et une deuxième partie, où j’étudie la façon dont les expatriés s’en dégagent et se constituent des espaces de liberté.
1. Une organisation contrôlant jusqu’à l’intime ?
Dans ce premier temps, je vais m’intéresser aux espaces, aussi bien temporels que spatiaux, dans lesquels l’organisation est présente et où l’individu peut avoir le sentiment d’être au travail.
1.1. Un contrat de travail et des règles de sécurité applicables sans limite ?
Si l’on en croit le contrat de travail des expatriés (dont un extrait suit), celui-ci stipule que « travailler pour [MSF] implique un certain nombre de règles et de principes […] qui s’ajoutent à ceux inhérents aux relations “classiques” de travail ». Pour éclairer ces règles et principes supplémentaires, le contrat précise que l’expatrié MSF est « représentant 24 heures sur 24 de MSF », qu’il « [s’engage] à agir dans le respect de la charte MSF tant dans l’exercice de [ses] fonctions que dans le cadre de [sa] vie personnelle pendant toute la durée de [sa] mission », qu’il « [s’engage] à respecter [les règles et consignes de sécurité définies par MSF et ses représentants] en tout temps et en toutes circonstances », qu’il « représente l’association MSF dans l’exercice de [ses] fonctions et dans [sa] vie personnelle ; qu’ainsi, la limite entre vie personnelle et vie professionnelle sur le terrain est perméable et que des restrictions importantes à [sa] liberté individuelle peuvent [lui] être imposées ». Par l’acceptation de ces clauses contractuelles, au demeurant parfaitement explicites vis-à-vis de la place que l’organisation prétend occuper au fil d’une mission humanitaire, l’expatrié autorise ainsi MSF à s’insérer, au moins théoriquement, au plus profond de son quotidien.
Figure 1. Extrait d’un contrat de travail français de MSF en 2019
ANNEXE 3 – ENGAGEMENT INDIVIDUEL
Travailler pour une association telle que Médecins Sans Frontières implique un certain nombre de règles et de principes que les expatriés sont contraints de respecter, et qui s’ajoutent à ceux inhérents aux relations « classiques » de travail. En effet, la vie en communauté, les contraintes de sécurité, le fait que sur le terrain un expatrié est considéré comme un représentant de MSF 24 heures sur 24, ont des conséquences contractuelles devant être au préalable déterminées. Le salarié doit avoir connaissance de ces contraintes et obligations ; elle s’engage en signant les présentes à les respecter, sous peine de voir son contrat résilié par l’organisation.
En mission sur le terrain avec Médecins Sans Frontières, je soussigné, Ludovic JOXE, m’engage à :
1. Agir dans le respect de la Charte MSF, des principes éthiques qu’elle incarne, tant dans l’exercice de mes fonctions que dans le cadre de ma vie personnelle pendant toute la durée de ma mission.
2. Agir, le cas échéant, dans le respect des règles déontologiques régissant ma profession.
3. Ne pas détenir ou utiliser, dans le cadre de sa mission, des armes et munitions de toute sorte.
4. Respecter impérativement et strictement les règles et consignes de sécurité définies par MSF et ses représentants ; il est rappelé que ces règles de sécurité sont primordiales car établies pour assurer la sécurité individuelle et collective de l’équipe, des patients et des opérations, et que toute personne travaillant pour MSF s’engage à les respecter en tout temps et en toutes circonstances ; de cet engagement, mis en œuvre de concert avec les populations locales, dépend la sécurité de tous.
5. Accepter dès à présent qu’au regard du contexte particulier dans lequel MSF intervient (tant en ce qui concerne l’activité même de l’organisation que des circonstances politiques et sécuritaires dans lesquelles elle opère), je représente l’association MSF dans l’exercice de mes fonctions et dans ma vie personnelle ; qu’ainsi, la limite entre vie personnelle et vie professionnelle sur le terrain est perméable et que des restrictions importantes à ma liberté individuelle peuvent m’être imposées (par exemple : interdiction de sortir de l’enceinte de la mission, restriction des zones d’accès et des communications, changement de lieu de travail / lieu de vie sans notification préalable, couvre-feu, etc.).
6. Me conformer strictement aux règles de conduite et de vie collective détaillées notamment dans le Carnet de route qui m’a été remis, ainsi qu’aux instructions et directives qui me seront données par MSF et ses représentants (concernant notamment les zones validées pour les logements ou les congés des expatriés, les modalités de déplacements, les plannings / horaires, etc.).
7. Respecter l’éthique et la déontologie propre à MSF et à son mandat. Je reconnais par ailleurs que certains comportements légaux ou tolérés dans mon pays d’origine peuvent être proscrits dans mon pays de mission. En cas de comportement violant le cadre légal du pays de mission et/ou la déontologie et l’éthique de MSF, je reconnais que l’organisation MSF ne sera pas tenue de m’apporter ni aide ni soutien, quels qu’ils soient.
8. M’astreindre à la plus grande discrétion et confidentialité concernant l’action de MSF, y compris à l’issue de ma mission, et à ne pas diffuser les documents et communications internes à MSF.
Par conséquent, je m’engage à :
• ne pas faire usage, ni publier, ni transférer à une tierce personne, hors du cadre strict de la mission, des données récoltées dans le cadre des programmes MSF sans autorisation préalable et écrite de MSF (y compris à des fins de recherche) ;
• respecter en particulier le principe de confidentialité médicale, et ne jamais utiliser de données médicales, même anonymes, sans l’autorisation écrite du Responsable des Programmes.
En pratique, cette soumission à l’organisation se traduit d’abord par des règles de sécurité. Selon les situations : couvre-feu à partir de 18 h, restriction des zones d’accès, impossibilité de marcher à pied dans les rues, interdiction de parler « politique » avec les locaux, interdiction de boire de l’alcool, interdiction d’avoir des relations sentimentales avec le personnel, etc. Sur les missions Ebola comme désormais sur de nombreuses missions en période de Covid, ladite no touch policy[4] interdit de toucher qui que ce soit à tout moment de la journée ou de la soirée : on ne sert pas la main, on ne se gratte pas l’œil, on ne se fait pas de bises, etc.
Figure 2. Caricature du dessinateur Brax au sujet de la « no touch policy »
1.2. Une vie en communauté continue
S’agissant du logement, l’expatrié ne quitte jamais vraiment l’organisation. Le soir, quand il termine l’activité quotidienne pour laquelle il a été envoyé en mission, qu’il soit logisticien, médecin ou administrateur, il ne rentre pas chez lui mais dans des locaux gérés par MSF : maison, appartement, tente, chambre partagée, etc.
Parfois, chacun dispose de sa propre chambre, mais dans d’autres situations, comme dans l’illustration qui suit sur un autre projet à Bangui, également en 2014, la chambre est partagée. Dans d’autres situations encore, comme dans la campagne de traitement contre le pian de MSF au Congo-Brazzaville en 2013, la nuit se passe sous tente collective. Et quand les expatriés sont logés dans des bâtiments et disposent de chambres individuelles, les autres espaces sont néanmoins partagés : cuisine, salon, salle de sport, jardin, etc. Après leur journée de travail, les expatriés vivent en collectivité et se retrouvent le plus souvent autour de la même table pour le repas. En 2014, à l’hôpital général de Bangui en Centrafrique, les expatriés avaient aménagé une aile de l’établissement pour y vivre. Le toit était devenu un lieu de convivialité, un bar reconstitué, où étaient régulièrement organisés des barbecues les soirs et week-ends.
Figure 3. Chambre partagée par deux expatriés en Centrafrique
Photo : L. Joxe.
1.3. Des horaires de travail flexibles
Les horaires de travail[5] sont partiellement symboliques. Certes, les horaires de bureau et les plannings médicaux sont contraints par le droit local du travail ou les règles de sécurité, et s’imposent, en particulier, aux personnels nationaux. À Nyarugusu en Tanzanie, les responsables du Haut-Commissariat aux Réfugiés exigeaient de l’équipe MSF qu’elle quitte le camp à 17h au plus tard. Les membres salariés locaux rentraient alors dans leur foyer familial pour passer la soirée auprès des leurs. Après une journée de bureau, à l’hôpital ou dans un centre médical, les membres expatriés retournent cependant, eux, dans leur logement partagé et ne cessent pas toujours leur activité pour autant. À Karachi au Pakistan en 2020, après un mercredi de travail officiellement terminé à 17h, toute l’équipe s’était rassemblée autour de la table du séjour jusqu’à 23h pour préparer le budget de l’année 2021. Tous sont ensuite allés se coucher pour se retrouver à 7h le lendemain matin pour le petit-déjeuner et le départ au bureau. Le dimanche matin suivant, la logisticienne devait organiser avec un chauffeur et l’opérateur radio l’accueil de deux responsables de l’approvisionnement à l’aéroport. Deux heures plus tard, le coordinateur de projet que j’étais devait alors accueillir ces visiteurs pour leur expliquer le fonctionnement de la maison (toilettes, nourriture, linge, etc.) et leur donner les premiers briefings au sujet des règles de sécurité. Les arrivées et départs d’expatriés en début ou en fin de mission, les arrivées et départs de vacances, les visites de membres du siège de l’organisation ou de la coordination « en capitale »[6], de même que les réunions nocturnes entre expatriés de l’équipe, ou parfois « en visio » avec des référents du siège ou de la coordination, voire les réceptions à toute heure de camions remplis d’items logistiques ou médicaux sont ainsi fréquentes en dehors des horaires « de bureau ». Selon la nature du projet, les équipes sont de plus susceptibles d’être mobilisées à toute heure. Une ou plusieurs voitures et leur chauffeur sont souvent en stand-by prêts à partir si nécessaire. À Epulu, en République Démocratique du Congo (RDC) en 2020, des collègues frappent à la porte de ma chambre à 23h le soir car des cailloux venaient d’être jetés contre nos infrastructures. À Gambella en Éthiopie en 2012, les gardiens viennent me réveiller au milieu de la nuit car une patiente enceinte que nous hébergions temporairement dans un hôtel de la ville perd soudainement les eaux. À Bangui en Centrafrique en 2014, des tirs se font entendre dans la nuit et nous devons nous rassembler dans une salle blindée pour nous protéger. Dans toutes ces situations, l’expatrié reste soumis quel que soit le jour de la semaine et quelle que soit l’heure de la journée à l’organisation et aux conditions de réalisation de sa mission.
1.3.1. Une frontière floue entre collègues et famille
Par ailleurs, bien que certains expatriés affirment faire une distinction claire entre l’individu « collègue de travail » pendant la journée, et le même individu, mais cette fois-ci ami ou colocataire, le soir, la pratique semble différente. Étant donné la continuité des activités entre la journée et le soir et la proximité des lieux et des activités, la qualité de l’ambiance ressentie « à la maison » a un impact sur la qualité de l’ambiance la journée au travail et inversement. Plusieurs expatriés m’ont ainsi parlé de la « famille MSF », avec toute l’ambiguïté qu’un tel terme peut recouvrir : aussi bien espace de réconfort qu’espace de tensions. Ce terme rappelle le vocabulaire métaphorique que Marion Fresia avait déjà noté au sujet du HCR (Haut-Commissariat pour les Réfugiés), autre organisation humanitaire basée sur une logique de missions : « la maison » pour désigner le siège, « le terrain » pour désigner le lieu des missions, « la famille » pour désigner la communauté d’expatriés (Fresia, 2009, p.177). Le soir, autour d’une bière à la maison ou au bar du quartier, les expatriés partagent leurs émotions, s’épanchent et se font l’oreille attentive les uns des autres. La photo suivante est celle du repas de Noel 2015 en Tanzanie : les expatriés du projet sont tous réunis autour de la table commune pour passer ensemble ce moment traditionnellement associé aux proches et à la famille.
Figure 4. Repas de Noël en Tanzanie, 2015
Photo : L. Joxe
1.3.2. Santé au travail ou santé « en général » ?
S’agissant de la santé, là encore, la frontière entre travail et hors-travail s’efface. Les soucis physiques des expatriés, qu’ils soient relatifs aux horaires de travail ou non, sont d’abord gérés sur le terrain, par le responsable médical du projet ou, en cas de besoin spécifique, par un référent au siège. L’ensemble des éléments liés à la santé physique de l’expatrié sont ainsi délégués pendant plusieurs mois à l’organisation. Les soucis psychologiques également. S’il existe une tradition ancienne de l’humanitaire engagé selon laquelle se plaindre de sa souffrance serait déplacé face à la souffrance des « bénéficiaires » (Vaux, 2001, p. 7), les esprits évoluent. Même sur ce sujet intime, l’organisation affirme désormais là aussi sa présence. La section belge de MSF a mis en place des services pour soutenir les expatriés qui en expriment le besoin : soutien par des psychologues (à distance et 24 heures sur 24), par des pairs (d’anciens expatriés de MSF discutent bénévolement avec ceux en mission) ou par la hiérarchie. Ces dernières années, la section belge a rédigé un document intitulé « I feel good » qui vise à répondre aux défis psychologiques de la vie en mission.
Figure 5. Manuel « I feel good » rédigé en 2019
Photo : L. Joxe
En 2016, la section belge a aussi édité un guide pour les coordinateurs de projet intitulé « Gestion et prévention du stress : le rôle du coordinateur de projet »[7]. Symbole de cette prise en charge globale, seule une des onze parties du guide porte sur les « incidents critiques » et/ou traumatiques comme les accidents de la route, les braquages, ou les enlèvements. Les dix autres parties portent sur des thématiques plus générales liées à la vie en communauté, et en particulier la satisfaction des « besoins physiologiques », des « besoins de contrôle » ou des « besoins d’appartenance » des expatriés. Le soutien psychologique ne s’intéresse ainsi pas seulement aux seuls chocs émotionnels « catastrophiques » (comme ce pouvait être le cas il y a une vingtaine d’années) mais plus généralement aux conditions de vie, aux conditions de travail et à la satisfaction en mission. L’effacement de la distinction entre santé et santé au travail, qu’elle soit physique ou psychologique, constitue une illustration supplémentaire de la présence de l’organisation dans le quotidien de l’expatrié pendant toute la durée de la mission.
Finalement, que ce soit au travers de l’extensivité des règles de sécurité, de la flexibilité des horaires, de la vie en communauté ou de la globalité de la prise en charge en santé, cette première partie a montré la façon dont l’organisation s’immisçait, lors d’une mission humanitaire, au cœur de la vie de l’expatrié. Comme l’a remarqué Marc Loriol au sujet des diplomates (Loriol, 2016), c’est ainsi la question des frontières de l’intime qui se pose, et plus largement celle des limites entre les espaces ressentis comme contraints et ceux assimilés à des espaces de liberté.
2. La préservation d’espaces de liberté ?
Dans ces missions humanitaires où la journée de travail ne se termine vraiment jamais, où les règles de sécurité s’appliquent de jour comme de nuit, où les collègues deviennent aussi des amis intimes, quels sont les moments où l’expatrié se considère enfin libéré du contrôle de l’organisation ? Pour répondre à cette question, je décris ici trois types d’espaces de liberté : des espaces de refuge quotidiens, des espaces de congés temporaires octroyés par MSF au fil d’une mission, et des espaces inter-contrats entre deux missions.
2.1. Des espaces de refuge quotidiens, sur place
Au quotidien, les expatriés tentent de se reconstituer des espaces personnels dans lesquels l’organisation ne s’immiscerait pas : espaces de hors-travail dans le travail, de hors-contrôle dans le contrôle, de hors-organisation dans l’organisation, de hors-employeur dans leur emploi. Ces espaces, que je qualifie d’espaces de refuge, sont d’autant plus importants que les expatriés ont parfois éprouvé des difficultés, de la frustration, du stress dans leur journée, et ressentent le besoin de s’échapper. Quelles sont les conditions d’existence de ces espaces ? Dans quelle mesure laissent-ils de la place à l’intime ? Quelles sont les activités associées à ces espaces ?
D’abord, lors des missions humanitaires chez MSF, les activités en dehors des horaires de travail sont, contrairement au hors-travail « classique », libérées des tâches domestiques. Pour justement favoriser la possibilité pour les expatriés de se dégager du temps pour eux-mêmes, l’organisation salarie, dans la quasi-totalité des projets, des cuisiniers et des hygiénistes pour faire les courses, la cuisine, le ménage et la lessive. Par ailleurs, l’organisation dispose de façon de plus en plus systématique de lignes budgétaires pour financer du matériel de loisir. Selon la rigidité des règles de sécurité et la durée des projets (parfois de plusieurs années), les responsables de MSF investissent dans des machines de fitness, achètent des jeux de société, voire des consoles de jeux vidéo, et offrent parfois une guitare aux membres du projet.
Figure 6. Expatriés MSF au Pakistan, jouant au jeu vidéo « Just Dance »
Photo : L. Joxe
À peine rentrés de leur journée de travail, certains pratiquent ainsi du sport dans la limite de ce que les règles de sécurité du projet autorisent, parfois en courant entre l’habitation et l’enceinte murée qui l’entoure, d’autres fois dans le village ou la ville du projet, ou alors en utilisant les machines de fitness, achetées par MSF, à l’intérieur de l’habitation. D’autres regardent la télévision, font de la musique, ou partagent des jeux de société. D’autres s’enferment dans leur chambre (si le projet permet d’avoir des chambres individuelles) jusqu’au lendemain matin pour regarder des films, écrire, lire ou pour communiquer avec leurs proches dans leur pays d’origine[8]. D’autres encore se tournent vers les addictions : alcool fort, bières, cigarettes, marijuana, seuls ou en compagnie de leurs collègues. Le sexe, bien que peu évoqué en entretien, semble être aussi présent, que ce soit entre expatriés, avec le personnel national, ou avec des prostituées[9][10]. D’autres enfin sortent le soir dans des bars, lorsque la géographie du projet l’autorise.
Ces espaces de refuge ne sont pas considérés de la même façon par tous les expatriés. Selon leurs motivations d’origine, certains vont s’afficher comme les défenseurs d’une disponibilité sans limite pour l’organisation. Ceux-là sont porteurs d’une vision classique du travailleur humanitaire comme volontaire qui, selon la Charte même de MSF, « [mesure] les risques et périls des missions qu'[il accomplit] et ne [réclamera] pour [lui] ou [ses] ayants droit aucune compensation ». C’est la vision, peut-être caricaturale mais toujours présente dans certains esprits, du travailleur humanitaire prêt à se sacrifier pour achever sa tâche. Pour ceux-là, il n’y a pas d’horaires, l’expatrié MSF est supposé rester, à tout moment, prêt à répondre aux contraintes du projet.
D’autres vont, au contraire, revendiquer des espaces de refuge, aussi bien pour eux-mêmes que pour leurs collègues, en considérant que ces espaces et les activités associées sont la condition sine qua non de leur bonne santé physique et mentale, et du bon achèvement de leur mission. Ils vont demander explicitement à être dérangés un minimum le soir et le week-end. Quelles que soient leurs responsabilités, ils ne vont pas hésiter à ignorer leurs e-mails en dehors des horaires officiels de travail. L’urgence peut, selon eux, attendre. Ce positionnement pourra alors être perçu par les défenseurs de l’humanitaire volontaire comme un manque de flexibilité et d’engagement pour la cause humanitaire supposée commune. En d’autres termes, ceux qui perçoivent leur activité chez MSF comme un emploi-passion vont avoir moins besoin de se recréer des espaces de libertés et de s’autoriser des activités de refuge que ceux pour qui l’activité chez MSF relève davantage d’un emploi rémunérateur, permettant de nourrir leurs proches restés dans leur pays d’origine.
2.2. Des espaces de congés temporaires, entre deux mondes
Au-delà des espaces de refuge quotidiens, l’organisation octroie régulièrement à ses expatriés des congés. Ceux-ci, bien que pouvant être imaginés comme de vrais espaces de liberté, restent néanmoins partiellement contraints.
Toutes les six semaines, l’expatrié a d’abord contractuellement le droit à un week-end de repos. Les responsables de MSF sur le terrain essaient alors, autant que faire se peut, de rapatrier l’expatrié dans la capitale du pays et de lui offrir deux jours dans un hôtel loin de ses collègues. Mais les réalités du terrain, que ce soit l’urgence du projet ou l’isolement de certains projets, ne le permettent pas toujours. Fin 2019, à Epulu en RDC, sous prétexte de l’urgence Ebola, un expatrié responsable de l’assainissement différait régulièrement son week-end de repos. Avec plusieurs semaines de retard, il finira par le passer, à cheval sur un jour férié, dans une petite auberge de la ville la plus proche, Mambasa, à cinq heures de route.
Tous les trois mois, l’expatrié bénéficie également contractuellement d’une semaine de vacances pendant laquelle il désigne un collègue du projet auquel il laisse son téléphone de fonction, son ordinateur de travail et à qui il délègue ses responsabilités. Trois solutions s’offrent alors. Si MSF juge que la situation politique ou sécuritaire le permet, il peut d’abord voyager dans d’autres zones du pays réputées sûres. En mission en Colombie en 2011 et en Éthiopie en 2012, j’ai ainsi pu voyager dans le pays même de ma mission lors de mes congés. Si la situation politique et sécuritaire du pays est jugée trop instable par MSF, l’expatrié doit alors passer ses vacances à l’étranger, le plus souvent dans un pays limitrophe réputé « sûr ». Au Pakistan en 2020, mes collègues expatriés sont ainsi allés en Thaïlande, aux Maldives ou en Turquie pour leurs vacances. Si certains expatriés parviennent parfois à rentrer dans leur pays, le calendrier est souvent trop court. À Dungass au Niger, en 2016, le responsable médical du projet, congolais, souhaitait rentrer chez lui pour le baptême de son enfant. Entre les déplacements en voiture et les différents changements d’avion, le temps nécessaire pour s’y rendre était de trois jours, de même pour en revenir. Ce responsable médical a finalement passé ses vacances dans un hôtel de Niamey, la capitale du Niger.
Si les week-ends de repos ou les semaines de congés constituent un moment de hors-travail au sens où l’expatrié est effectivement libéré des règles de sécurité, des emails et des autres pesanteurs de l’activité humanitaire, au sens également où ces périodes relèvent du loisir et du repos, ces moments n’autorisent que rarement le développement personnel ou les retrouvailles familiales, autres caractéristiques classiques du hors-travail, et n’en restent pas moins contraints, en partie, par l’organisation.
2.3. Des espaces entre deux missions, chez soi
Le « vrai » hors-travail, cet espace où MSF peut enfin s’effacer, celui où l’individu retrouve potentiellement son pays, ses amis, sa famille et la possibilité de réaliser d’autres activités, serait celui entre les missions. Or cet espace inter-missions offre un visage variable selon les individus et les métiers exercés dans l’organisation.
Relevant de la vision la plus classique du hors-travail, ce temps entre mission permet effectivement à certains expatriés de se recentrer sur eux-mêmes et sur leur vie privée. Il leur permet aussi de partager leur expérience de terrain avec leurs proches. Cette période hors-travail confirme alors leur statut social et consolide leur reconnaissance en tant que travailleur humanitaire. Ainsi, Fabienne, une pharmacienne camerounaise, retrouve ses enfants en bas-âge quand elle rentre chez elle. Suzie, une logisticienne me confie : « Je me mets à fond pendant 6 mois ou plus, et après, je ne fais plus rien pendant 3 mois, et je ne pense qu’à moi. C’est exactement ce qu’il me faut. » Le caractère temporaire de leur retour dans leur pays d’origine compromet cependant leur capacité à s’inscrire dans des activités périodiques, ancrées dans un calendrier annuel : sport, musique, arts plastiques ou cours du soir par exemple. Les expatriés deviennent alors des sortes d’intérimaires ou d’intermittents de l’humanitaire. Avec une succession de contrats à durée indéterminée et, dans le cas français, de périodes de chômage, leur statut officiel est si changeant que l’administration a parfois du mal à suivre. Leur activité avec MSF leur impose ainsi des rythmes de vie particuliers, et une désynchronisation de leur vie sociale, comme la littérature sur les horaires atypiques l’a déjà observé (Staines et Pleck, 1984 ; Presser, 2003 ; Strazdins et al., 2006 ; Täht et Mills, 2016).
Pour d’autres expatriés, l’investissement pour MSF ne s’arrête pas entre les missions. Parmi ceux-là, plusieurs se proposent comme bénévoles dans leur pays pour participer à des événements de l’organisation : soirée annuelle du siège, exposition photos, happening et sensibilisation au travail humanitaire dans des lieux publics, etc. Sans parler de ceux qui sont en couple avec un membre de MSF, d’autres s’investissent dans le bureau local de l’organisation le plus proche de chez eux, partagent un verre, des repas ou des voyages avec d’autres expatriés, proposent leur service comme « pair » pour discuter librement avec des expatriés à leur retour de mission ou suivent les conseils d’administration, les assemblées générales, les fils d’information de l’organisation par e-mails ou sur les réseaux sociaux. D’autres enfin font des remplacements courts au siège, réalisent des missions ponctuelles de recherche, développent une activité pour le compte de l’organisation, ou participent à des formations mises en place par MSF[11]. Dans toutes ces situations, les expatriés concernés ne quittent jamais vraiment MSF. Ils conservent un lien fort avec l’organisation, même entre leurs missions de terrain.
Pour certains enfin, quand leur mission avec MSF s’arrête, quand ils sont supposés toucher enfin du doigt le « vrai » hors-travail, ils retrouvent en fait un autre emploi. Les médicaux les plus spécialisés, et en particulier les chirurgiens ou les anesthésistes, effectuent souvent leur mission humanitaire chez MSF sur les vacances de leur poste fixe dans un hôpital de leur pays d’origine et perçoivent leur activité avec MSF comme une parenthèse. Si le retour à l’hôpital constitue effectivement du point de vue de MSF un temps hors-travail, il relève en même temps, du point de vue de leur hôpital de rattachement, du temps du travail. Dans mon cas, j’ai effectué mes sept dernières missions sur la période estivale et la période de Noël de ma thèse. Mes vacances de thèse, mon hors-thèse était l’activité avec MSF, et mon hors-MSF était ma thèse : le temps hors-travail de l’un s’avérant être le temps de travail de l’autre, et inversement.
Ainsi, si le travail est supposé procurer un statut social et si le hors-travail autorise l’expression de soi, alors la distinction entre les notions de travail et de hors-travail est, pour ces expatriés, brouillée. Comme pour les slasheurs qui multiplient les métiers (Barbe, 2017), le statut social d’un jour n’est pas forcément celui du lendemain et l’expression de soi semble s’effectuer aussi bien dans une activité que dans l’autre. Cette situation renforce chez ces expatriés le sentiment de jouer des rôles temporaires. Un logisticien tchèque, à la tête de centaines de salariés chez MSF en Palestine, me dit retrouver entre les missions son poste d’électricien dans une entreprise de bâtiment public. Une responsable médicale de MSF dont dépendent régulièrement une centaine de personnes sur le terrain humanitaire, effectue, entre ses missions, des remplacements en tant que sage-femme dans un hôpital de Normandie. De mon côté, je suis chez MSF coordinateur de projet, parfois responsable de plus de 500 personnes, mais redeviens, à mon retour régulier en France, tantôt chômeur, tantôt doctorant, tantôt enseignant, en bas de la hiérarchie académique. À l’inverse, certains ont de grandes responsabilités dans leur pays d’origine : avocat ou chef de service d’un hôpital par exemple, et deviennent administrateur ou simple médecin sur les projets MSF.
Finalement, il semblerait possible de distinguer une sorte de « hors-travail intermédiaire » le soir en mission, et un hors-travail, dans son sens plus classique et du point de vue de MSF, entre les missions : une distinction qui correspond à une réalité effectivement ressentie comme telle par de nombreux expatriés mais qui reste aussi fragile. En effet, les trois types d’espaces de liberté ici décrits (espaces de refuge, espaces de congés, espaces entre les missions) montrent à la fois la façon dont l’organisation peut conserver une forme de présence dans chacun de ces espaces, et en même temps comment l’expatrié peut, dans toutes ces situations, préserver une part d’intimité et de vie, indépendante de MSF. La description de ces trois types d’espaces de liberté montre finalement comment l’expatrié peut lui-même définir et choisir personnellement le hors-travail qui lui convient.
Conclusion
Pendant la durée d’une mission humanitaire avec MSF, la notion de hors-travail, dans le sens d’un temps hors-employeur, est floutée pour plusieurs raisons : par le contenu du contrat qui précise une forme d’exception de l’activité humanitaire, par le lieu même du logement partagé avec ses collègues, par l’indistinction entre collègues, amis et famille, par des horaires de travail flexibles, par des règles de sécurité présentes en continu et par la délégation de sa santé mentale et physique à l’organisation.
L’idée d’un hors-travail est finalement floutée par un motif sous-jacent à toutes les raisons énoncées ici : l’enjeu autour de la signification du mot travail, enjeu rendu encore plus manifeste dans le secteur associatif. Pour les expatriés les plus engagés, ceux qui s’abandonnent à MSF, ceux qui donnent leur vie au travail, ceux pour qui le travail est le moyen de leur épanouissement, la distinction entre sphère privée et sphère publique n’a plus lieu d’être, et la coupure entre travail et hors-travail perd de son sens. Pour les plus professionnels qui, schématiquement, travaillent pour vivre et s’épanouir par ailleurs, distinguer clairement travail et hors-travail reste important. Quand, sur le terrain, certains expatriés luttent pour le respect des horaires et davantage de confort, et quand d’autres militent au contraire pour un investissement sans limite, deux visions de l’humanitaire, l’un professionnel et l’autre engagé, et deux visions de la notion de travail, l’un contraignant et l’autre épanouissant s’affrontent. En d’autres termes, la notion de hors-travail perd de sa pertinence dès lors que le travail est envisagé, non plus comme une activité pénible, mais comme un vecteur de sens et de plaisir.
Bibliographie
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- Université Paris-Descartes, CEPED.↵
- En 2019, MSF annonçait mener environ 470 projets dans plus de 70 pays. Ceux-ci portaient entre autres sur le paludisme, la malnutrition, l’accès aux soins de santé primaire ou le sida.↵
- On lira avec intérêt à propos de la notion de travail : Naville (1957); Menger (2009); Méda ([1995], 2010); Vatin (2014).↵
- Traduction de l’anglais : « la politique du non-contact ».↵
- J’appelle ici horaires de travail aussi bien les horaires de bureau, ceux des gardiens, du comptable, du responsable des ressources humaines que les plannings médicaux, qui s’appliquent aux médecins, infirmiers ou aides-soignants par exemple.↵
- La coordination est le terme employé pour désigner les équipes de l’organisation qui se trouvent dans la capitale du pays d’intervention. Ces équipes permettent de faire l’interface entre le siège et les équipes de terrain. Elles gèrent entre autres les relations politiques au niveau national ou la chaine d’approvisionnement en matériel et en médicaments.↵
- « Stress prevention and management: the role of the Project Coordinator », November 2016 – 1st edition, MSF OCB (Operational Center Brussels).↵
- C’est d’autant plus facile depuis quelques années qu’Internet s’est généralisé.↵
- Là encore, les règles de sécurité des projets peuvent interdire explicitement d’aller voir des prostituées ou d’avoir des relations amoureuses avec le personnel national, mais la pratique peut déroger aux règles.↵
- En psychologie, la sexualité serait d’ailleurs associée à la possibilité d’évacuer le stress (McEwen, 2002 ; Kajantie et Phillips, 2006).↵
- Les formations proposées (non rémunérées) sont très nombreuses et concernent l’ensemble des métiers de l’humanitaire médical : « populations en situation précaire », « gestion d’hôpital », « formation des responsables comptables », « chaine d’approvisionnement », etc.↵