4 Considérations sur les relations entre les droits d’auteur et la diversité culturelle dans le Brésil numérique à partir de l’analyse du cadre civil d’internet

(Original en portugais)

Giuliana Kauark & Paula Cruz[1]

Instrument juridique reconnu au niveau international, la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (CDEC) énonce l’objectif, entre autres, de légitimer le développement de politiques relatives à la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Dix ans après sa promulgation, les Parties sont toujours au défi de la mettre en œuvre et, plus particulièrement, de l’adapter au contexte de l’ère numérique, ce qui nous conduit à nous pencher sur ses rapports au thème des droits d’auteur.

Avec le développement accéléré des technologies de l’information et de la communication, la production et la circulation de nouveaux contenus culturels se sont popularisées sur internet, tandis que la copie et le partage de contenus traditionnellement protégés par les droits d’auteur et droits voisins sont devenus exponentiellement plus faciles. Le vieux débat sur la juste mesure entre la protection de ces droits d’un côté et le droit à la diversité et à l’accès à la culture de l’autre revêt donc de nouveaux aspects et une pertinence accrue dans le contexte de l’ère numérique. À mesure que la législation sur les droits d’auteur et les droits voisins s’étend au numérique et restreint l’accès aux œuvres qui circulent sur internet, de nouvelles formes de collaboration en ligne finissent parfois par être criminalisées.

Des controverses quant à la création d’instruments destinés au combat contre le « piratage » internet parsèment l’histoire récente de la propriété intellectuelle. Sur la scène internationale, l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACAC ou plus communément ACTA, Anti-Counterfeiting Trade Agreement) en est un exemple emblématique, puisqu’il a été créé dans le but de traiter des violations de droits de propriété intellectuelle, y compris dans le contexte numérique. Bien que la ratification d’ACTA semble hors de question, ses dispositions démontrent combien les tensions entre les intérêts privés des détenteurs de droits d’auteur et droits voisins, d’une part, et l’intérêt public de l’accès à la culture, d’autre part, se sont adaptées au contexte d’internet.

A l’ère numérique, la régulation d’internet apparaît comme un nouveau domaine juridique influant de manière plus ou moins directe sur la problématique des droits d’auteur et des droits culturels, avec le potentiel de renforcer l’un ou l’autre de ces éléments ou encore d’offrir des perspectives visant à un meilleur équilibre entre eux.

Etant donnée la complexité de ces relations, nous tentons dans l’article présent d’apporter la lumière sur la problématique existant entre les droits d’auteur et la diversité culturelle dans le Brésil numérique, à partir d’une analyse multidisciplinaire du Cadre civil d’internet (Marco Civil da Internet ou MCI, Loi nº 12.965/14) (Brasil 2014) en vigueur depuis juin 2014. Surnommé pendant sa phase d’élaboration « projet de loi anti ACTA » par la presse internationale (Moody 2011), le MCI établit des principes, des garanties, des droits et des devoirs attachés à l’usage d’internet au Brésil. Dans quelle mesure, cependant, cette loi est-elle réellement en opposition aux dénommées « lois anti-piratage », et à quel point représente-t-elle une avancée pour la promotion de la diversité des expressions culturelles au Brésil ?

Pour mieux comprendre ces questions, nous commencerons par placer sa création dans le contexte historique de la réglementation internationale des droits d’auteur, avant d’aborder quelques points qui permettront de la contraster avec les lois anti-piratage. Nous analyserons ensuite les dispositifs prévus par le MCI en ce qui concerne le rôle du pouvoir public dans la promotion de la culture numérique et plus particulièrement au niveau de la mise à jour nécessaire des politiques culturelles à l’ère numérique.

I – La réglementation internationale des droits d’auteur

La nécessité de concilier les intérêts privés des détenteurs de droits d’auteur et l’intérêt public d’accès à la culture n’est pas un défi nouveau pour le monde occidental. À proprement parler, la notion même d’auteur en tant que processus individuel, découlant de l’originalité et de la créativité du sujet-auteur, consiste en un phénomène social spécifiquement lié au développement de la Modernité (Alves 2010; Barthes 2004). Liée à l’origine à l’invention de l’imprimerie, la notion d’auteur en tant qu’« artiste-génie » a été consacrée en Europe à l’époque du Romantisme, et a établi les bases conceptuelles qui sous-tendent la réglementation internationale des droits d’auteur depuis la Convention de Berne, en 1886, jusqu’à ce jour. Parmi les caractéristiques fondamentales de la notion d’auteur dominante depuis, Alves (2010: 511) met en relief « l’élévation de l’artiste, la valorisation de l’originalité et la nouvelle valeur attribuée à l’expérience affective et émotionnelle de l’individu ». Ainsi, la valeur autrefois attribuée à la copie et à l’imitation est redirigée sur la personne du sujet-auteur, ce qui a engendré le concept d’auteur-propriétaire.

Il est important de noter, cependant, qu’à l’origine du système de protection de l’auteur on cherchait à établir un système de concession de privilèges sur la commercialisation des œuvres littéraires, sans que l’idée de droits d’auteur soit même prise en considération. Le Statut d’Anne (1710) est souvent cité comme le premier instrument créé à cet effet. Bien qu’il vise à protéger, en dernier recours, les intérêts commerciaux de libraires et éditeurs anglais, ce Statut établissait déjà que la concession de ces droits devait être temporaire. La validité des droits de reproduction (copyrights) se limitait à 14 ans, renouvelable une seule fois pour la même durée, si l’auteur était encore en vie après le délai initial. Une fois le délai maximum atteint, l’œuvre tombait directement dans le domaine public, satisfaisant ainsi l’objectif déclaré de la loi d’encourager l’apprentissage. En d’autres termes, la nécessité d’établir un équilibre entre intérêts privés et publics était déjà présente à l’origine du système de protection des droits d’auteur, dont la durée considérée juste était de 28 ans maximum.

Néanmoins, au cours du développement de ce système, cet équilibre a commencé à pencher de plus en plus du côté de la protection des intérêts privés. La recrudescence des standards de protection – par le prolongement de la période de validité, l’élargissement de la portée ou l’extension de la tutelle à des interprètes, exécuteurs et producteurs par exemple – peut s’observer, avec de rares exceptions, dans les différentes révisions qu’a connues la Convention de Berne, ainsi que dans les autres conventions comme celles de Rome et de Genève, de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), et la Convention universelle sur le droit d’auteur, à l’UNESCO.

Notre objet n’est pas de détailler ici la mesure dans laquelle chacun de ces instruments a contribué au renforcement du système international des droits d’auteur. Nous nous contenterons de noter, par exemple, que depuis la Convention de Berne, il est recommandé que la protection de la majorité des œuvres culturelles soit d’une durée équivalente au temps intégral de la vie de leur auteur, plus 50 ans minimum. Contre le Statut d’Anne, qui fixait une limite maximum, on exige donc maintenant des durées minimums de protection, et les pays peuvent même à titre individuel augmenter le degré de protection, mais jamais le raccourcir. Au Brésil par exemple, la Loi nº. 9.610/98, qui régit la matière, énonce le délai de 70 ans après la mort de l’auteur avant qu’une œuvre ne passe au domaine public.

Renforçant encore cette tendance, tout en n’altérant pratiquement pas le texte approuvé lors de la dernière révision de la Convention de Berne (1971), l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) a imposé des paramètres minimums de protection aux pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Néanmoins, à la différence de la Convention, qui a hérité de la valorisation moderne de l’artiste-génie, l’ADPIC introduit et solidifie un nouveau discours de justification des droits de propriété intellectuelle (May 2010), en vertu duquel la maximisation de sa protection se traduit par des investissements accrus dans l’innovation et par conséquent, une croissance économique et un bien-être social également accrus (thèse « plus il y a de protection, mieux c’est »).

De plus, au sein de l’OMC, le non-respect des exigences stipulées dans l’ADPIC peut donner lieu à l’application de sanctions commerciales. En fonction des conclusions de l’Organe de règlement des différends de l’OMC, ces sanctions peuvent même être appliquées de manière à atteindre non pas nécessairement les biens et services artistiques du pays accusé d’infraction, mais les actifs plus pertinents économiquement dans l’ensemble de ses exportations (représailles croisées). En plus de restreindre l’accès public à la culture, avec des implications sur le développement social et humain, les impacts de l’ADPIC s’étendent donc au domaine économique et se font sentir le plus profondément dans les pays en voie de développement (Correa 2000).

À l’inverse de cette tendance cependant, de nouvelles possibilités de création et de reproduction des œuvres culturelles font leur apparition et prennent de l’ampleur avec la popularisation des technologies numériques. Considéré comme une nouvelle dimension de l’espace public, internet devient le locus de revendication pour l’accès à l’information, la connaissance et la culture (Lessig 2004). Deux arguments principaux sous-tendent cette revendication. Le premier tente de supplanter la thèse selon laquelle « plus il y a de protection, mieux c’est » en différentiant les biens matériels des biens immatériels. Alors que les premiers constituent des biens rares pouvant justifier un contrôle d’accès plus serré, les seconds sont, par nature, non concurrentiels et non rivaux. Cela signifie que le fait qu’une personne les partage et en ait la jouissance n’empêche pas qu’une autre personne les utilise, ce qui les place dans la catégorie économique des biens publics. Le deuxième argument, de nature conceptuelle, est une critique de la notion moderne d’auteur et son « transfert » dans l’ère du numérique (Alves 2010), et défend la nécessité de revoir les limites des droits d’auteur, en envisageant de nouvelles formes de la notion d’auteur et en (re)contextualisant ce phénomène dans la contemporanéité (Sass 2015).

En dépit de ces arguments, le lobbying des détenteurs de droits d’auteur et droits voisins – surtout des grandes sociétés qui sont les grands bénéficiaires de ce système – ont conduit à la création d’instruments juridiques visant la lutte contre les pratiques considérées en violation de ces droits dans le contexte numérique. Parmi les « lois anti-piratage » nationales, on note en particulier le Digital Millennium Copyright Act (DMCA) de 1998 et les projets de loi de 2011 Stop Online Piracy Act (SOPA) et Protect IP Act (PIPA) aux Etats-Unis, ainsi que la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Loi Hadopi) de 2009, en France. Parmi les traités internationaux, la Convention de Genève pour la protection des producteurs de phonogrammes contre la reproduction non autorisée de leurs phonogrammes, de 1971, le Traité de l’OMPI sur les droits d’auteur (WCT) et le Traité de l’OMPI sur les interprétations et les exécutions et les phonogrammes (WPPT), tous deux de 1996, précèdent – et informent – la création d’ACTA, dont l’objectif déclaré était de « résoudre le problème de l’infraction des droits de propriété intellectuelle, y compris les infractions commises dans l’environnement numérique ». Secrètement négocié par un groupe de pays restreint et dirigé par les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon, on peut avancer que l’objectif plus large d’ACTA était d’étendre la thèse selon laquelle « plus il y a de protection, mieux c’est » au numérique (Cruz 2014). Dans son article 27, qui traitait de son « application au contexte numérique », l’Accord prévoyait des procédures d’application en matière civile et pénale, et définissait des mesures punitives et correctrices allant d’injonctions et d’indemnisations à des peines de prison et des sanctions pécuniaires « suffisamment élevées pour dissuader de futures infractions » (Art. 24).

Bien qu’il ne soit pas entré en vigueur, ACTA représente la manière dont on prévoit de combattre le piratage internet à l’heure actuelle. Il témoigne également d’un effort de création d’un nouveau degré de renforcement du système international des droits d’auteur, favorisant les intérêts économiques des grandes entreprises et éloignant encore ce système de la recherche d’un équilibre de droits plus juste et inclusif à l’ère numérique. Comme le conclut Silva (2015: 137),

[e]n réalité, en prétextant une mise à jour, l’objectif des nouveaux traités a été d’étendre la protection classique à de nouveaux acteurs, en particulier aux entreprises. (…) La maximisation de la protection visait à favoriser le maintien de puissants oligopoles multinationaux, qui se prétendent détenteurs du contrôle de la culture. (…) on a jugé nécessaire de modifier le Droit d’auteur et de le rendre de plus en plus restrictif, non pas pour encourager la création, mais pour maintenir le status quo. Le résultat est un système juridique international en désaccord avec la nouvelle culture.

Au Brésil, les discussions concernant les effets délétères d’ACTA quant à la sauvegarde des droits civiques et la garantie de la liberté d’expression dans l’environnement numérique sont arrivées dans la foulée des revendications en faveur de la réglementation de l’usage d’internet. Contre le projet de loi de crimes virtuels (devenu la Loi brésilienne nº 12735/12), les défenseurs des droits numériques argumentaient que « tout l’effort du débat public autour de ce projet de loi, dont l’objectif est de réglementer internet du point de vue pénal, devrait se reporter à la réglementation civile d’internet » (Lemos 2007).

II – Le MCI et les droits d’auteur au Brésil

Bien qu’il n’ait été approuvé qu’après le cadre pénal de la réglementation d’internet et après un long processus de consultations populaires et un vif débat sur le sujet, le MCI (Loi nº 12.965/14) a finalement été mis en œuvre en juin 2014, établissant des principes, des garanties, des droits et des devoirs attachés à l’usage d’internet au Brésil. Il est perçu comme un contrepoint aux lois anti-piratage (Moody 2011; Moreira 2014), et nous présentons maintenant quelques considérations sur cette interprétation. Loin de prétendre épuiser le sujet, notre intention est de soulever quelques points reliant le MCI au thème des droits d’auteur et droit voisins à l’ère numérique.

A – La (non-)référence aux droits d’auteur et droits voisins

On remarque d’emblée que le MCI ne fait de référence directe aux droits d’auteur et droit voisins que trois fois : deux quand il traite de la responsabilité pour les dommages résultant de contenu créé par des tiers (Art. 19) et une fois dans les dispositions finales (Art. 31). Nous parlerons de ces articles plus loin, mais ce que nous voulons souligner dès avant est la non référence explicite à la garantie des droits d’auteur et droits voisins parmi les principes régissant l’usage d’internet au Brésil (Art. 3). En traitant le sujet de manière indifférenciée et le reléguant à l’unique paragraphe[2] qui succède l’article 3, notre interprétation est que le MCI brésilien, d’entrée de jeu, s’oppose aux lois anti-piratage dont le principe fondamental est justement la garantie de ces droits.

Au contraire, comme le montrent les huit principes cités à l’article 3, le MCI donne la priorité aux garanties de liberté d’expression, de communication et de manifestation de la pensée et de la protection de la vie privée et des données personnelles, reléguant au second plan les droits d’auteur. Même si cela ne signifie pas que la garantie de ces droits ne doit pas être observée (comme le rappelle l’Art. 31), la non-référence directe dans les principes de la loi éloigne le MCI de la tendance internationale de maximisation des normes de protection des droits d’auteur et droits voisins au détriment de l’intérêt public.

B – Responsabilité pour le contenu et liberté d’expression

La Section III du MCI traite des questions en rapport plus direct avec la régulation des droits d’auteur et droits voisins. Dès le départ, il est énoncé que les fournisseurs d’accès à internet ne devront pas être rendus civilement responsables des dommages résultant de contenu créé par des tiers (Art. 18). Dans le cas de fournisseurs d’applications internet[3], il est affirmé qu’« afin d’assurer la liberté d’expression et empêcher la censure », les tiers peuvent être tenus pour civilement responsables si, après une ordonnance spécifique du tribunal, le fournisseur ne prend pas les dispositions appropriées pour rendre les contenus jugés transgressifs indisponibles (Art. 19). La seule exception a trait aux atteintes à la vie privée résultant de la divulgation non autorisée d’images, de vidéos ou autres matériaux contenant des scènes de nudité ou actes sexuels de caractère privé (Art. 21).

Dans le cadre de l’analyse qui nous occupe, deux points méritent d’être soulignés. Le premier a trait au fait que, avec le MCI, le fournisseur d’applications peut être obligé de retirer un contenu censé enfreindre les droits d’auteur ou droits voisins seulement sur le fondement d’une ordonnance du tribunal. Qui plus est, celle-ci « devra contenir, sous peine de nullité, une identification claire et spécifique du contenu jugé transgressif, permettant sa localisation sans équivoque » (Art. 19 § 1). Comme l’observent Wachowicz et Kist (2014), non contente d’accorder une plus grande sécurité juridique aux cas soupçonnés d’atteinte aux droits d’auteurs et/ou droits voisins, la législation brésilienne écarte ainsi la pratique dénommée « notice and takedown » (notification et retrait), qui consiste à retirer le contenu après une simple notification du présumé offensé.

Lié au premier point, le second concerne l’enseignement qu’on peut tirer du texte du MCI quant au système même de « notification et retrait ». Combattue par les activistes des droits numériques, cette pratique est considérée comme une forme indirecte d’atteinte à la liberté d’expression et, à la limite, de censure. En effet, en l’absence d’une réglementation appropriée, il arrive couramment qu’après simple notification et sans qu’aucun délit n’ait été confirmé les fournisseurs retirent les contenus afin de se prévenir contre d’éventuelles actions en justice futures, qui pourraient se traduire par le paiement d’indemnisations. Sans examen juridique préalable, ce type de comportement pourrait ainsi finir par favoriser les notifications arbitraires et infondées. En associant l’indispensabilité de l’ordonnance du tribunal à la sauvegarde de la liberté d’expression et à l’obstruction de la censure, le MCI semble ainsi aligné sur la notion selon laquelle le système de « notification et retrait » peut avoir des conséquences nocives pour les droits civiques sur internet. Dans la mesure où il favorise le bénéfice du doute vis-à-vis de possibles allégations d’atteintes, inter alia, aux droits d’auteur, le MCI s’oppose radicalement aux mesures préventives courantes des lois anti-piratage.

La question de liberté d’expression en relation avec les droits d’auteur est encore renforcée dans le deuxième paragraphe de l’Art. 19, selon lequel « [la] mise en œuvre du dispositif de cet article pour les atteintes aux droits d’auteurs ou droits voisins dépend d’une prévision légale spécifique[4], qui devra respecter la liberté d’expression et autres garanties prévues à l’art. 5 de la Constitution fédérale » (nos italiques).

Le MCI constitue une avancée pour la protection des droits civiques sur internet au Brésil puisqu’il prévoit aussi que c’est sur ordonnance du tribunal seulement que les fournisseurs sont obligés de fournir des informations sur les utilisateurs à des tierces parties (Art. 10), ce qui s’applique également aux entreprises étrangères (Art. 11).

C – Garanties de non-suspension de la connexion

Parmi les droits garantis par le MCI aux utilisateurs d’internet, on note en particulier la non-suspension de la connexion internet, « sauf pour créance résultant directement de son utilisation » (Art. 7 IV). L’importance de cette garantie pour l’analyse qui nous occupe tient au fait que, en empêchant que la connexion internet soit interrompue pour tout autre motif que le défaut de paiement, la loi écarte la possibilité que ce recours soit utilisé comme méthode de punition pour les atteintes aux droits d’auteur. Ce recours est par exemple prévu dans le cadre de la loi française Hadopi, dont l’objectif était de restreindre l’échange de contenus audiovisuel sur internet en interrompant le contrat des utilisateurs qui utiliseraient les plates-formes de partage pour télécharger ou diffuser des contenus protégés par les droits d’auteur (Gunthert 2009).

Avant de passer à l’analyse des dispositions du MCI qui ont directement trait à la culture, nous exprimerons deux réserves sur la question des droits d’auteur. En ce qui concerne la responsabilisation relative aux contenus créés par des tiers, on note que le MCI ne prévoit aucune interdiction à ce que le fournisseur rende le contenu indisponible, si la décision en est faite au sein de l’entreprise. Autrement dit, le fournisseur n’est pas obligé de par la loi de maintenir l’accès au contenu jusqu’à réception de l’ordonnance du tribunal ; il est simplement couvert par la loi au cas où il choisit de le faire. La possibilité existe donc toujours que les supposés offensés marchandent auprès des fournisseurs le retrait prématuré du contenu, sans que cela dépende de l’action judiciaire. On peut supposer que cette faille finira par être exploitée, surtout par les grandes entreprises détentrices de droits d’auteur qui luttent pour la restriction de l’accès et la pénalisation des formes de collaboration dans les environnements numériques.

Notre seconde réserve a trait à l’avant-dernier article du MCI, qui reprend le point exprimé au deuxième paragraphe de l’article 19 pour spécifier que « quand il s’agit d’une violation aux droits d’auteur ou aux droits voisins », et jusqu’à l’adoption d’une nouvelle loi, la responsabilité du fournisseur d’applications internet pour les dommages résultant de contenu créé par des tiers « continuera à être punie par la législation sur les droits d’auteur en vigueur à la date de mise en œuvre de cette Loi » (Art. 31). Le fait qu’il s’agit là de l’article qui conclut le MCI (l’article suivant ne traite que du délai avant son entrée en vigueur) ne doit pas être minimisé. Bien qu’il n’invalide pas les points qui l’opposent aux lois anti-piratage, d’une certaine manière cet article compense la non-référence directe aux droits d’auteur dans l’article 3. Les points omis du cadre du MCI sont en fait renvoyés au cadre de la réforme de la législation des droits d’auteur.[5]

Cette lacune permet que les problèmes liés aux violations des droits de propriété intellectuelle et relatifs aux droits civiques sur internet soient réglementés par la législation sur les droits d’auteur et non par le MCI. Prenons pour exemple la question de la responsabilité pour les échanges peer-to-peer (P2P), dans lesquels les ordinateurs des utilisateurs échangent directement des informations. Après avoir été exclue du texte original du projet de loi du MCI, la question a resurgi dans les débats sur la réforme de la loi sur les droits d’auteur, puisque son Art. 105-A propose de réintroduire la pratique de « notification et retrait » dans les cas P2P. Ceci contribue à remettre en question l’interprétation des implications de cette pratique pour la liberté d’expression, ce qui pourrait affaiblir le MCI par rapport à la nouvelle loi sur les droits d’auteur, en fonction de l’évolution des débats dans ce nouveau contexte.

III – Le MCI et la promotion de la diversité culturelle dans le Brésil numérique

Comme nous venons de le voir, il est impossible de parler des droits d’auteur sans les rattacher, dans leur essence même, au droit d’accès à la culture. Ce dernier cherche précisément à garantir à chacun le droit de participer librement à la vie culturelle. En discutant de l’accès à la diversité culturelle et de sa promotion dans le Brésil numérique, nous ne pouvions pas éviter d’aborder le thème des droits culturels. Comme le défend Farida Shaheed (apud Coelho 2011: 22):

le plein respect des droits de l’homme, et en particulier des droits culturels, crée un cadre propice à la diversité culturelle et en est le garant. En outre, le respect, la protection et la promotion de la diversité culturelle sont essentiels pour garantir le respect des droits culturels.

Partie intégrante des droits de l’homme, les droits culturels sont spécifiquement mentionnés à l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (ONU 1948) et à l’article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ONU 1966). En vertu de l’article 27, les droits culturels ont trait à la liberté de l’individu de prendre part à la vie culturelle, de suivre ou adopter les modes de vie de son choix, d’exercer ses propres pratiques culturelles, de bénéficier des progrès scientifiques et de jouir de la protection morale et matérielle découlant des productions artistiques ou scientifiques dont il est l’auteur.

A l’exception du droit d’auteur, qui a été étudié et normalisé en profondeur, la conceptualisation et la normalisation des droits culturels manquent de clarté. Pour remédier à cela, le Comité de l’ONU pour les droits économiques, sociaux et culturels (2009) propose que, par le biais de l’amélioration conceptuelle du droit de prendre part à la vie culturelle, il soit possible de garantir un cadre plus ample aux droits culturels, incluant les dimensions de liberté de participation, ainsi que d’égalité à l’accès et la contribution à la vie culturelle de la communauté. Ainsi,

[l]es droits culturels, dans leur statut négatif, sont compris comme le droit de tout individu de prendre part, passivement ou activement, dans des conditions d’égalité et sans aucune discrimination préalable, obstacle ou censure, à la vie culturelle de son choix, en définissant ses propres identifications (ou identités), dans la mesure où sa participation ne porte pas atteinte à d’autres droits de l’homme, ni ne s’oppose aux libertés fondamentales garanties à tout être humain. Du point de vue de leur statut actif, tout individu a le droit de prendre part aux décisions concernant les politiques culturelles. Enfin, pour ce qui est de leur statut positif, nous affirmons que les droits culturels nous donne la garantie de la protection du patrimoine culturel, tangible et intangible ; d’une réalité dans laquelle les biens et services culturels les plus divers sont offerts ; de la liberté d’expression dans notre langue maternelle avec la reconnaissance due dans la société ; du financement de la production et de la diffusion de la culture ; et de la garantie des droits moraux et matériels sur les œuvres dont nous sommes auteurs. (Kauark 2014: 124)

Le Brésil a adopté la Déclaration de 1948 et ratifié le Pacte de 1966 cités plus haut, ce qui se reflète principalement dans l’article 215 de sa Constitution fédérale (1988) : « L’Etat garantira à tous le plein exercice des droits culturels et l’accès aux sources de la culture nationale, et soutiendra et encouragera la valorisation et la diffusion des manifestations culturelles ». Cependant, les droits culturels sont encore la réalité d’un petit nombre. Les groupes minoritaires, comme les individus d’ascendance africaine, les indigènes, les tsiganes, les handicapés, les homosexuels, les femmes, n’ont pas encore la garantie de pouvoir prendre part librement à la vie culturelle de leur choix. Ils ne disposent pas non plus d’égalité au niveau des conditions de jouissance de leurs droits culturels, pour diverses raisons : les inégalités régionales persistantes, les différences entre l’enseignement public et privé, l’accès limité à l’enseignement supérieur, l’absence d’espaces culturels, la protection insuffisante du patrimoine culturel, entre autres.

Dans le contexte numérique, nous pouvons ajouter de nouvelles insuffisances à la garantie des droits culturels, comme le manque d’accès aux technologies numériques, les difficultés au niveau de l’inclusion numérique, la pauvreté des connaissances en matière de droits civiques sur internet et, jusqu’à la mise en œuvre du MCI en 2014, l’absence de cadres régulateurs préservant ces droits.

A – La référence (presque explicite) aux droits culturels

Composé de 32 articles, le MCI mentionne le mot « culture » dans sept d’entre eux, y compris deux qui exigent une attention particulière : les articles 4 et 27.

La section II de l’article 4 dispose que « [la] réglementation de l’usage d’internet au Brésil a pour objectif de promouvoir : l’accès à l’information, à la connaissance et à la participation à la vie culturelle et la conduite des affaires publiques » (nos italiques). Ce qui s’en dégage, c’est que le MCI traite les droits culturels comme l’un de ses objectifs et non seulement les reconnaît dans leur statut négatif, mais aussi dans leur statut positif.

Etant donné que la garantie des droits culturels et en particulier de la participation effective à la vie culturelle dans l’environnement numérique doit se traduire par des actions positives factuelles des prestations de l’Etat, il est crucial de comprendre les dispositions du chapitre relatif au rôle du pouvoir public.

B – Le rôle du pouvoir public dans la promotion de la culture numérique

L’article 27 du MCI est le seul à traiter exclusivement du domaine de la culture et affirme que « les initiatives publiques stimulant la culture numérique doivent promouvoir l’inclusion numérique ; chercher à réduire les inégalités, surtout entre les différentes régions du pays, au niveau de l’accès aux technologies de l’information et de la communication et à leur usage ; et stimuler la production et la circulation de contenu national ». Dans le cadre de l’analyse présente et en nous inspirant du Rapport mondial de la convention de 2005, nous allons explorer les thèmes principaux où se rencontrent diversité des expressions culturelles et environnement numérique (Kulesz 2015) : l’accès à la culture, la créativité et les industries culturelles.

L’accès à la culture est l’un des aspects les plus discutés (et célébrés) avec l’émergence des technologies numériques. Ses potentiels sont encensés du fait de la capacité d’élargissement et de démocratisation de l’accès quasiment illimité aux contenus culturels, au-delà des frontières géographiques, des barrières institutionnelles et infrastructurelles des politiques culturelles locales et des oligopoles des industries culturelles. Ce discours s’entend parmi les « techno-utopistes », mais il s’oppose à celui des « réalistes » (Silveira 2011) qui dénoncent pour leur part, parmi les obstacles à l’accès à la culture sur internet, les asymétries de l’accès et de l’inclusion numériques, l’infrastructure limitée et la concentration du marché.

Selon l’organisation internationale Index sur la censure (Index on Censorship) (INDEX 2014), le Brésil est le cinquième pays le plus connecté du monde et le deuxième utilisateur mondial de Facebook et Twitter. La quantité de personnes ayant accès à internet au Brésil dépasse déjà 50% de la population, avec plus de 100 millions d’utilisateurs, un chiffre qui augmente depuis peu avec la réduction du prix des smartphones et les améliorations au niveau de la connexion. L’accès à internet est cependant assez inégal. Par rapport à 97% des foyers à hauts revenus (classe A), seulement 6% des foyers à faibles revenus (classe D-E, 75% de la population) sont connectés à internet. A ce parallélisme entre l’inégalité de revenus et l’accès à internet viennent s’ajouter les asymétries entre les niveaux de scolarité, les groupes ethniques, les secteurs professionnels, les zones urbaines ou rurales, l’âge moyen des utilisateurs, etc. (INDEX 2014).

En ce qui concerne l’accès aux technologies de l’information et de communication et leur utilisation, le MCI dispose que les initiatives publiques doivent chercher à réduire les inégalités, surtout entre les différentes régions du pays. Le cadre se restreint, cependant, à l’aspect de la distribution territoriale, sans prendre en compte les variables générationnelles, éducationnelles et économiques qui affectent aussi cette question.

Il faut en outre, lorsqu’on parle des inégalités d’accès à la diversité des expressions culturelles dans l’environnement numérique, dépasser les aspects uniquement quantitatifs, comme par exemple le nombre de foyers disposant d’un micro-ordinateur ou d’habitants possédant un smartphone, et se pencher sur des analyses relatives à l’inclusion numérique.

Nous pouvons vérifier que l’inclusion numérique est explicitement présente à l’article 27 analysé ici. Simplement parlant, la composante de l’inclusion numérique fait référence aux personnes qui savent se servir d’internet, ce que certains auteurs considèrent un problème culturel et pas seulement économique ou cognitif. Manuel Castells (apud Lemos 2011) par exemple classifie les utilisateurs d’internet en interagis et interagents, le critère de différentiation étant la capacité de tirer parti des bénéfices sociaux, économiques et culturels offerts par les technologies numériques.

Dans ce contexte de possibilités illimitées, cependant, les mesures et politiques développées par les gouvernements, notamment le Brésil, témoignent d’une attention particulière aux actions compensatrices (Bonilla & Oliveira 2011) qui augmentent le nombre d’interagis mais visent rarement à former des interagents. A l’heure actuelle, en plus de l’élargissement de l’accès et de la formation d’interagents, les politiques en faveur de l’élargissement de l’accès à la culture dans l’environnement numérique doivent prêter attention à certaines questions clés. La concentration des applications internet par quelques entreprises étrangères et, d’un autre côté, la pauvreté des investissements dans l’innovation et le développement d’acteurs nationaux dynamiques sur le marché numérique en sont des exemples clairs. En outre, la faiblesse de la diversité linguistique sur internet, ainsi que l’absence de réglementation des algorithmes de recommandation et la surveillance des données de consommation et d’intérêts des utilisateurs d’internet, dont les impacts sont réellement négatifs en termes d’homogénéisation de l’offre culturelle vis-à-vis de la diversité des biens et services culturels disponibles sur internet, sont tout aussi dignes d’attention. Mais ces questions ne sont pas abordées par le MCI.

Un autre thème crucial est celui de la créativité artistique. Les opportunités résultant de l’influence croissante des technologies numériques sur le processus artistique s’ouvrent dans des directions variées. La création de nouveaux formats s’observe dans divers domaines. Dans celui de l’audiovisuel, cela s’exprime par le développement de films pour petits formats comme les tablettes et les portables ; dans celui des arts visuels et du spectacle, on observe le développement de créations en matière d’art numérique, d’art interactif et de l’utilisation d’outils de réalité augmentée qui complexifient l’expérience esthétique. Parallèlement à cela, les formats traditionnels voient leurs coûts de production réduits du fait de la prolifération des programmes et des plates-formes numériques de création, d’édition et de diffusion, ce qui est particulièrement évident dans le domaine musical. En outre, l’accessibilité culturelle des personnes handicapées s’est améliorée, puisqu’il est maintenant possible de créer un produit culturel adapté d’entrée de jeu aux applicatifs de lecture, d’audio-description et de traduction en langage de signes.

Au Brésil, les obstacles qu’on a pu identifier ont essentiellement trait à l’absence de formation technique et de savoir-faire, chez les artistes et les créateurs, en ce qui concerne les outils numériques tant dans le processus créatif que dans l’amélioration de l’accessibilité. De plus, il existe une séparation et une discontinuité graves au sein des politiques publiques culturelles en ce qui concerne le traitement de la promotion de la culture numérique en termes de création artistique. Cette tendance est encore renforcée dans le MCI, qui apparemment ne tient pas compte de ce biais.

D’autre part, l’une des principales avancées du MCI concerne la neutralité d’internet, un principe qui vise à garantir le traitement isonomique de « tout paquet de données, sans distinction de contenu, d’origine ni d’objectif, de service, terminal ou application » (Art. 9). En disposant que toute information doit circuler à la même vitesse et dans les mêmes conditions sur internet, le MCI écarte la possibilité de favoriser certaines pages et services. Comme l’expliquent Wachowicz et Kist (2014), « [l’] idée était d’empêcher que les entreprises de grande envergure ne fassent pression sur les serveurs pour que leurs sites ou toute forme de produit offert sur internet soient promus à une vitesse supérieure à celle de leurs concurrents ». La préservation et la garantie de neutralité d’internet en tant que principe (Art. 3 IV) visent ainsi à garantir l’accès universel et illimité à internet, ce qui a aussi des implications positives pour l’inclusion numérique traitée plus haut. Quant au sujet qui nous occupe, il mérite d’être noté qu’une atteinte à la neutralité d’internet pourrait mettre en danger la créativité artistique. Comme le remarque Silveira (2011: 56-57):

[i]l serait pratiquement impossible de créer un YouTube ou même un protocole BitTorrent si, dans les débuts d’internet, les opérateurs de télécom avaient pu filtrer le trafic ou décider de bloquer des paquets de données de protocole ou des applications inconnues ou non autorisées par leur politique commerciale. L’ouverture à l’innovation, sans avoir à passer par l’autorisation de gouvernements ou de corporations, est détruite quand le contrôleur de l’infrastructure détient le pouvoir de dire ce qui peut ou non passer sur son réseau.

Le troisième et dernier thème que nous désirons analyser concerne les changements relatifs aux industries culturelles à l’ère numérique. Certains aspects en sont bien connus, comme l’augmentation de l’interactivité et de la communication directe avec le public à travers les réseaux sociaux. Cependant, il en existe d’autres qui sont plus récents et complexes, comme la création de nouveaux modèles commerciaux – le système de streaming par exemple, qui a un impact profond sur les secteurs audiovisuel (avec Netflix par exemple) et phonographique (avec Spotify par exemple) – et l’ouverture sur de nouveaux marchés du cyberespace, ce qui conduit à des réformes intenses des politiques de financement de la chaîne de production de la culture et de la législation sur les droits d’auteur.

La question de la stimulation et de la réglementation des industries culturelles nationales face aux défis posés par les technologies numériques inspire les débats les plus riches au sein de la Convention de 2005, débats qui sont intimement liés à la discussion sur les droits d’auteur et le piratage traitée plus haut. Pour ce qui regarde l’analyse de l’article 27 du MCI, on peut observer qu’il est nettement orienté vers la stimulation de la production et de la circulation du contenu national. Les initiatives n’en sont qu’à leurs balbutiements, mais l’annonce récente de la création d’une « sorte de Netflix brésilien » (Ministério da Cultura 2015), qui offrira un contenu audiovisuel produit au niveau national, est un signe de la modernisation des politiques culturelles et de communication par l’adoption de programmes et d’actions adaptés au contexte numérique, en harmonie avec ce que détermine le MCI.

Conclusions

Nous avons tenté dans ce chapitre de présenter quelques considérations sur les relations entre la réglementation d’internet, les droits de propriété intellectuelle et les droits culturels au Brésil, en partant de l’analyse du MCI, et de réfléchir à ses impacts sur la promotion de la diversité culturelle à l’ère numérique.

Comme nous l’avons observé dans les deux dernières sections, le MCI a entraîné des progrès évidents au niveau de la recherche d’un meilleur équilibre de la coexistence de ces droits. En dépit de quelques lacunes, le MCI s’oppose sous divers aspects aux lois anti-piratage et semble s’éloigner de la tendance de maximisation de la protection du droit d’auteur.

En ce qui concerne la promotion de la diversité culturelle au sens plus large, l’inclusion des droits culturels parmi les objectifs fondamentaux du MCI contribue à un rôle de l’Etat et une exigence sociale plus forts par sa mise en œuvre. Néanmoins, ses dispositifs restrictifs sur les questions d’accès et d’inclusion numérique, ainsi que son omission d’autres problèmes influant l’accès et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur internet au Brésil, nous mènent à penser que les acteurs gouvernementaux comme non gouvernementaux de la chaîne de production de la culture sont encore loin de la modernisation cruciale des politiques culturelles à l’ère numérique, ce qui se reflète dans la faible transversalité du cadre par rapport aux objectifs de la Convention de l’UNESCO de 2005.

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  1. Giuliana Kauark est Doctorante en Culture et société à l’Université fédérale de Bahia, chercheuse au Centre multidisciplinaire d’études sur la culture et à l’Observatoire pour la diversité culturelle. Paula Cruz est Doctorante en Relations internationales à l’Université pontificale catholique de Rio de Janeiro (PUC-Rio) et chercheuse au Centre d’études et de recherche BRICS.
  2. « Les principes exprimés dans cette Loi n’excluent pas ceux prévus dans le cadre de la hiérarchie des normes en droit brésilien relatif à ce sujet ou des traités internationaux ratifiés par la République fédérative du Brésil ».
  3. Définie comme « l’ensemble de fonctionnalités auxquelles on peut accéder avec un terminal connecté à internet » (Art. 5 VII).
  4. A cet égard, il est à noter qu’en février 2016, le Ministère de la culture (MinC) a ouvert deux consultations publiques grâce auxquelles les citoyens brésiliens ont pu envoyer, pendant 45 jours, leurs suggestions de modification, d’inclusion de nouveaux dispositifs et commentaires aux textes des deux instructions normatives qui visent à réglementer la législation sur les droits d’auteur en ce qui concerne la gestion collective des droits d’auteur sur internet. Comme l’a annoncé le MinC, « [la] première établira les dispositions spécifiques à l’activité de perception des droits d’auteur dans l’environnement numérique, par les associations de gestion collective et par l’organisme percepteur », tandis que la deuxième « établit les obligations des utilisateurs en ce qui concerne l’exécution publique des œuvres et des phonogrammes insérés dans des œuvres et autres productions audiovisuelles » (Ministério da Cultura 2016).
  5. La nécessité de moderniser la Loi sur les Droits d’auteur (Loi 9.610/98) face à la popularisation des technologies numériques suscite d’amples débats dans la société brésilienne depuis 2004. Dans la pratique, le Ministère de la Culture a ouvert deux consultations publiques, l’une en 2010 et l’autre en 2011, visant à améliorer l’avant projet de réforme de la loi sur les droits d’auteur. Après une série de additions, le Projet de loi est actuellement en cours de discussion à la Chambre des députés, où l’on attend l’approbation de la Commission culturelle (Comissão de Cultura, CCULT) et de la Commission pour la constitution, la justice et la citoyenneté (Comissão de Constituição e Justiça e de Cidadania, CCJC) (Câmara dos Deputados 2013).


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