Frontière

La frontière est une notion qui questionne depuis longtemps les sciences sociales et humaines. Plusieurs disciplines se sont attachées à en proposer des définitions, qui sont souvent le fruit de réflexions interdisciplinaires perméables aux apports de différents champs de connaissance (science politique, histoire, géographie, anthropologie etc.).

Ces définitions évoluent au fil du temps, au rythme des changements majeurs des sociétés au sein desquelles ces définitions sont produites : il n’y a pas de définition universelle de la frontière.

Le sens, le statut (→ Frontière et statuts de l’emploi), et le fonctionnement des frontières ont sensiblement varié selon les époques et aussi selon les territoires considérés. La frontière contemporaine, telle qu’elle est pensée aujourd’hui dans le « monde Occidental », s’est imposée à l’échelle planétaire aux alentours de la deuxième moitié du 19e siècle, en même temps que s’institutionnalisait un système de reconnaissance international des États indépendants. Ce consensus diffus autour du sens accordé au terme de frontière est l’aboutissement d’un long processus historique, constitué par des négociations toujours en train de se faire et de rapports de forces changeants.

Aujourd’hui, dans le langage courant français et en tant que substantif, le terme de frontière fait référence à l’idée de limite : selon le dictionnaire Larousse, la frontière serait la limite du territoire d’un État dans l’exercice de son pouvoir ; la limite séparant deux zones caractérisées par des phénomènes physiques ou humains différents ; au sens figuré, la limite entre deux choses, idées, communautés différentes. Évoquant la séparation, la différentiation de deux ou plusieurs unités, la frontière pose en même temps la question de ce qui en constitue l’identité respective.

Étymologie, définitions, et histoire d’un concept

Afin d’expliciter une distinction fondamentale entre frontière matérielle et frontière symbolique, il est utile de rappeler que dans le monde anglophone plusieurs termes viennent préciser les caractéristiques de différents types de frontières : border indique la frontière physique, et borderland le territoire frontalier, dans sa matérialité spatiale ; boundary fait référence en revanche à une limite immatérielle et dynamique, qui se négocie au cours d’interactions sociales ; frontier est utilisé quant à lui de manière plus restreinte pour indiquer la ligne mobile qui définit un territoire national, et qui se déplace au gré des appropriations et des pertes de territoires.

D’un point de vue étymologique, la racine latine « front » rappelle l’usage originel du mot qui indiquait le « front d’une armée » puis la « place fortifiée faisant face à l’ennemi ». Dans le monde romain, plusieurs termes venaient décliner plus précisément l’idée de limite : terminus avait le sens de « borne », d’« extrémité », aussi bien temporelle que spatiale ; finis évoquait la limite d’extension d’un dedans par rapport à un dehors ou un extérieur, comme le suggère l’idée de finis terrae (la fin du territoire terrestre, par rapport à la mer) ; puis limes désignait la frontière militaire du monde romain, en principe associé à l’idée d’une zone mouvante de contrôle faite de routes protégées par des forts et des garnisons. Suite à la fin de la période des conquêtes et à la construction de plusieurs murs de séparation sous l’empire d’Hadrien (117-138 apr. J.-C.) et d’Antonin (138-161 apr. J.-C.), limes devient un concept plus statique, indiquant une ligne fortifiée séparant l’empire des « barbares ».

C’est seulement au 15e et au 16e siècles, avec l’émergence des monarchies nationales et des États modernes en Europe, que les frontières en tant que lignes séparatrices de deux entités distinctes et autonomes acquièrent le statut d’enjeux politiques et diplomatiques associés à la souveraineté d’une puissance étatique sur un territoire. En 1648, avec la signature des traités de Westphalie, les grands royaumes européens mettent temporairement fin à leurs conflits en s’accordant sur les limites territoriales de leur pouvoir respectif : à partir de ce moment, la frontière devient cette ligne de démarcation conventionnelle et reconnue par les parties concernées qui détermine où commencent et où finissent les territoires relevant de la souveraineté de deux (ou plusieurs) États voisins. L’importance accordée à ces lignes dans un monde d’États-nation soucieux de définir et faire reconnaître leur pouvoir souverain sur un territoire, a eu pour conséquence le développement de la cartographie et son usage systématique en matière de relations internationales et lors des négociations diplomatiques.

Cependant, le sens que l’on attribue au rôle des frontières aujourd’hui est variable selon les trajectoires historiques de chaque territoire et de ses habitants. La conception européenne de la frontière est en ce sens singulière, spécifique : le processus qui a conduit à la création d’une entité européenne après 1945, tout en maintenant des frontières internes délimitant la souveraineté des États membres de l’Union, n’a pas d’équivalent ailleurs. Même si les Européens ont pendant longtemps exporté leur vision de la frontière à travers le monde, la manière dont Européens et non-Européens appréhendent sa valeur politique diffère.

En Europe, depuis la guerre de Trente Ans (1618-1648) et jusqu’au traité de Maastricht (1992), cette valeur politique évolue suivant au moins trois grands mouvements de sens : dans un premier temps, la naissance de la souveraineté nationale accorde à la frontière le sens d’instrument de régulation des conflits ; dans un deuxième temps, le développement des nationalismes incarne et exacerbe des rivalités et des ambitions qui font des frontières des limites à franchir ou, inversement, à protéger ; plus récemment, l’appel européaniste transforme la frontière en un élément de gestion de l’identité européenne naissante, en insistant sur l’affaiblissement du rôle des frontières internes au profit de celui des frontières externes à l’espace européen. L’idée d’une souveraineté transnationale et d’un ordre international gagne progressivement en légitimité. En parallèle, des phénomènes plus larges touchant à la circulation de l’information, de technologies, de marchandises, de certaines catégories de voyageurs, relevant de ce qu’on appelle la mondialisation, ont contribué à une remise en cause des frontières telles que l’Europe pré-Union Européenne les avait conçues. Ce n’est pas pour autant qu’un consensus sur leur disparition est trouvé, au contraire : pour nombre de pays extra-européens et pour des raisons sociohistoriques diverses, l’affaiblissement ou l’effacement des frontières constitue une défaite politique plus qu’un progrès. Après la fin de la deuxième Guerre mondiale, différentes entités fédératives voient le jour : la Ligue des États arabes est fondée en 1945, l’Organisation de l’unité africaine en 1963, l’Association des nations d’Asie du Sud-Est en 1967. Mais le sens de ces projets et la vision de la frontière qu’y était associée se distinguent nettement de ceux dont la construction de l’Union européenne était porteuse. L’Europe promouvait l’idée d’une frontière comme outil de coopération, dans une démarche clairement antinationaliste. Pour les pays ayant appartenu à une puissance coloniale, et ayant par la suite obtenu ou lutté pour l’indépendance, ce même nationalisme était synonyme d’émancipation et l’idée de coopération régionale internationale – arabe, africaine, asiatique – relevait d’une volonté de construction ou affirmation nationale. Le projet fédératif était au service d’intérêts nationaux indépendants et libres de la volonté coloniale, et non pas l’inverse.

La frontière et les sciences humaines et sociales

Traditionnellement conçue comme une ligne de démarcation de territoires relevant de la souveraineté nationale des États-nation, la frontière a longtemps été un domaine d’étude exclusif de géographes, cartographes et diplomates (Newman, 2011). Elle est aujourd’hui au centre d’une littérature pluridisciplinaire qui a donné lieu aux border studies (Wastl-Walter, 2011 ; Wilson et Donnan, 2012), se focalisant sur les formes, les outils, et les effets (sociaux, politiques, économiques, éthiques, psychologiques etc.) des processus de frontiérisation et refrontiérisation (bordering et rebordering processes).

Puisque les frontières contemporaines sont en perpétuel changement, à la fois du point de vue de leur nombre, de leurs caractéristiques, et de leur fonction, l’intérêt de la notion de frontière linéaire, définissant les limites d’un État-nation, est aujourd’hui questionné par la plupart de la littérature en sciences sociales : si elle reste un outil descriptif incontournable, elle est limitée du point de vue analytique puisque jugée incapable de rendre compte de phénomènes contemporains relevant de connexions et circulations multiples qui échappent à sa fonction de barrière statique. En tant que zone mouvante d’une part, et en tant qu’institution d’autre part, elle est en revanche un analyseur de phénomènes sociopolitiques et économiques tels que les migrations, la mise en œuvre des politiques de contrôle transfrontalier, les mouvements sociaux etc.

L’usage courant qui est fait de ce terme relève majoritairement de la définition classique de frontière en tant que ligne de séparation. Cependant, en sciences humaines et sociales le concept de frontière a acquis une signification plus variée et complexe. Polysémique, l’usage qu’on en fait diffère parfois selon la discipline. Si elle fait l’objet de nombreuses conceptions, c’est aussi parce qu’elle relève de phénomènes interdépendants souvent paradoxaux.

À titre d’exemple, ce qu’on appelle aujourd’hui la mondialisation, relevant de phénomènes comme l’accroissement des mobilités des biens et des services, la libéralisation des échanges commerciaux, la multiplication des instances internationales, ou encore la mobilité de certaines catégories de personnes à l’échelle planétaire, a mis en évidence la coexistence de processus contradictoires et ambivalents concernant les frontières contemporaines : certaines d’entre-elles ont été supprimées, comme cela a été le cas suite à l’entrée en vigueur des accords de Schengen en 1995, facilitant la circulation des biens et des personnes appartenant à la communauté européenne ; d’autres ont en revanche été renforcées et, suite à des contrôles de plus en plus intensifs et sélectifs, sont devenues moins franchissables pour certaines catégories de personnes, y compris des catégories théoriquement protégées par le droit international comme les demandeurs d’asile. C’est notamment le cas des frontières externes de l’Union Européenne.

L’une des hypothèses majeures des théories de la globalisation relève d’un affaiblissement voire d’une disparition des frontières nationales. À rebours de cette posture, le courant des Border studies, qui n’a cessé de se développer depuis les années 1990, souligne la coexistence entre des processus d’ouverture et de fermeture des frontières plutôt que leur disparition effective. Les Border studies analysent la frontière en tant que révélatrice de mutations sociales, politiques, juridiques relevant de phénomènes associés à la globalisation et témoignant à la fois du retour ou de la réaffirmation du pouvoir de l’État.

Politique ou symbolique, perméable ou contrôlée, la frontière d’aujourd’hui est porteuse d’un paradoxe : au sein d’une société qui se veut circulatoire et toujours plus connectée à l’échelle planétaire via des réseaux transnationaux en tout genre, la mobilité humaine s’accompagne d’un ensemble d’instruments de contrôle et de fermeture des frontières qui visent à sélectionner et à hiérarchiser les individus candidats à l’immigration. Le déploiement de ces dispositifs est particulièrement intensif, quoi que non exclusif, dans les espaces frontaliers.

Certaines études sur la globalisation ont également mis en exergue la perte de pouvoir des instances étatiques en matière de régulation de phénomènes transnationaux (ex. questions environnementales, commerce, immigration) qui ont provoqué l’émergence d’acteurs internationaux dont l’intervention est considérée aujourd’hui légitime. Certes, les États-nations ne sont plus les seuls maîtres de l’ouverture et de la fermeture de leurs propres frontières, tellement ils sont inscrits dans un contexte politico-juridique international. Toutefois, les Border studies viennent documenter, études de terrain à l’appui, que cela ne signifie pas pour autant que les États-nation se désengagent de toute responsabilité régalienne : les enjeux de sécurité interne et de défense du territoire sont redevenus par exemple des éléments de justification de politiques de réactivation des contrôles aux frontières nationales, y compris au sein de l’UE, puis de dématérialisation et diffusion de pratiques et technologies de contrôle dans des espaces publics faisant aujourd’hui fonction de frontière (les gares des trains, les péages autoroutiers à proximité d’une frontière, etc.). De ce fait, non seulement les frontières ne disparaissent pas toutes, mais aussi certaines d’entre-elles se durcissent, et des nouvelles apparaissent.

En parallèle d’un monde qui se veut globalisé et ultra connecté, on assiste ainsi à des nombreux processus de frontiérisation et de re-frontiérisation : dans un climat d’alerte anti-terroriste, les gares de trains, les aéroports, les péages autoroutiers sont devenus des lieux-frontières où les contrôles d’identité et les fouilles des véhicules peuvent devenir ordinaires, tout comme le sont redevenues des zones qui étaient autrefois des frontières internes à l’espace Schengen (ex. Vintimille-Menton), et qui avaient perdu cette fonction de contrôle et de tri. Ces processus transforment les territoires dans leur matérialité (construction de lieux de confinement, de murs, etc.) et dans leur composition sociale (augmentation des forces de l’ordre, arrivée de personnel humanitaire etc.), et ils sont parfois porteurs d’une institutionnalisation de ces changements par le biais de politiques publiques spécifiques.

La fonction de tri et de contrôle de la mobilité des frontières contemporaines est également assurée par un ensemble de dispositifs techniques et technologiques qui défient la matérialité de la frontière en la rendant flexible et diffuse : le cas des instruments biométriques et de l’usage des données qu’ils peuvent recueillir en sont un exemple (Ajana, 2013). Ainsi la (re)frontiérisation d’un territoire peut s’accompagner de dynamiques économiques qui vont du développement d’un marché international de la production et de l’installation d’outils de contrôle (Rodier, 2012) à l’intensification des passages clandestins de la frontière.

L’étude de la frontière : enjeux et perspectives

La frontière s’étend aujourd’hui bien au-delà des lignes et barrières délimitant deux territoires souverains, et elle relève d’une banalisation des pratiques de contrôle à travers l’usage de techniques de vérification de la présence de personnes (ex. caméras, radars) et/ou de leur identité (ex. enregistrement d’empreintes digitales, fouille de véhicules transitant à proximité de points de passage considérés sensibles). Dès lors, dans sa territorialité, la frontière ne peut plus être envisagée seulement comme la ligne physique de délimitation de la souveraineté nationale, mais elle doit être considérée comme la zone mouvante de vigilance sur laquelle les autorités nationales mais aussi internationales (ex. Frontex) ou privées (entreprises sous-traitantes) exercent un contrôle soit préventif (pour empêcher les personnes ou, plus rarement, des marchandises indésirables d’entrer sur le territoire) soit répressif (pour les éloigner du territoire).

Autrement dit, la frontière ne fonctionne plus seulement comme ligne de séparation et démarcation, mais aussi comme zone, territoire, espace qui s’étend au-delà et en deçà de la frontière politico-administrative de l’État. Une frontière peut correspondre à une zone d’attente dans un aéroport, à un espace maritime, à une vallée etc. Les frontières contemporaines ne sont plus les lignes qui incarnent une limite fixe, qui s’ouvrent et se ferment à des entités préétablies : elles représentent davantage les lieux, multiples, d’un processus de différentiation des flux de capitaux, de populations, d’informations. Elles laissent circuler certaines personnes alors qu’elles en repoussent d’autres.

La frontière entendue comme ligne d’héritage westphalien s’accompagne aujourd’hui d’une frontière-nexus (Bigo, 2011) qui vise à trier les biens et surtout les personnes selon leur degré de « désirabilité » (Agier, 2008) non seulement là où la frontière-ligne sépare deux États-nation, mais aussi et surtout en amont et en aval de l’entrée sur le territoire national grâce à des dispositifs de contrôle, de traçage et de sélection comme la politique des visas, les contrôles d’identité, ou le système européen d’enregistrement et de vérification des empreintes digitales. La frontière-ligne coexiste avec une frontière-réseaux, faite de points connectés les uns aux autres. Sa fonction de filtrage, de contrôle, de douane, est fréquemment dissociée des tracés fixes qui limitent les souverainetés nationales : elle se manifeste en différents lieux, puis s’applique différemment selon le statut des hommes et des choses en mouvement. La frontière devient diffuse, dans le temps et dans l’espace (Balibar, 1998).

Le degré d’ouverture et de fermeture des frontières varie selon le statut de la personne ou de l’objet concerné par son franchissement : un produit destiné à être commercialisé sur le marché européen aura des chances supérieures à un ressortissant d’un pays tiers en voie de développement de pouvoir rentrer légalement sur le territoire européen ; un homme d’affaires canadien aussi ; un demandeur d’asile en aura quant à lui beaucoup moins, et c’est la raison pour laquelle plusieurs centaines de milliers de personnes tentent de franchir illégalement la frontière terrestre ou maritime qui sépare l’Europe de l’Afrique ou du Moyen Orient, l’Asie du sud-est de l’Australie, le Mexique des États-Unis, et pour laquelle des milliers de morts se produisent chaque année.

En effet, le droit à la mobilité rattaché au statut légal permettant à une personne de franchir les frontières interétatiques, est non seulement distribué de manière très inégalitaire selon la nationalité, mais est aussi la plupart du temps hérité à la naissance (Shachar, 2009).

Un des enjeux pour les sciences sociales aujourd’hui est certes celui de participer à la compréhension des dynamiques de (re)matérialisation de la frontière qui passent par la construction de nouveaux murs et barrières, comme cela a été le cas à des nombreux endroits du globe dans le but de stopper ou réduire des flux migratoires indésirables. Cependant, un défi encore plus ambitieux consiste à se donner les moyens d’analyser la mise en œuvre de dispositifs complexes et de technologies frontalières créant de fait différents régimes personnalisés de franchissement des frontières (Amilhat-Szary et Giraud, 2015) : l’intérêt serait celui de montrer la genèse et les effets d’inégalités en termes d’accès aux droits fondamentaux qui ne sont pas forcément inscrites dans la loi ni dans le droit, mais qui sont parfois le résultat du fonctionnement des dispositifs frontaliers. En effet, la frontière aujourd’hui est aussi un outil biopolitique doté d’un ensemble de moyens (juridiques, techniques, humains etc.) destinés à opérationnaliser le contrôle, le confinement, et l’éloignement de biens et de personnes indésirables.

Par exemple, parmi les formes que la frontière peut prendre aujourd’hui, il y a celle du « camp » (Agier, 2014). En tant qu’espace fermé destiné à retenir, à trier, voir à expulser les étrangers (comme le sont les centres de rétention administrative, par exemple), le camp témoigne d’un paradoxe : s’il est censé participer de l’État de droit (Fischer, 2007), il est en même temps le théâtre d’une relativisation des droits des migrants (Basilien-Gainche, 2017). L’insécurité juridique qui accompagne l’enfermement de ces derniers se traduit par exemple en des difficultés récurrentes d’accès aux droits fondamentaux (accès au juge, aux soins). La frontière-camp fait éclater au grand jour l’absence de garanties procédurales des composantes substantielles des droits des migrants. Ce type de frontière se prête donc à étudier le rapport entre les dispositifs de contrôle des migrations, les frontières, et l’État de droit, au prisme de ses exceptions.

La prise en compte de cet aspect implique d’étudier les facteurs qui rendent (ou pas) effectif le confinement et l’éloignement dans le but d’en évaluer les effets sur les migrants, les résidents des territoires étudiés, les « professionnels de la frontière » (forces de l’ordre, salariés des centres de rétention, contrôleurs de train, etc.).

En lien avec les processus de diffusion de la frontière et de (re)frontiérisation de nombreux territoires, des enjeux d’une actualité brûlante et particulièrement importants du point de vue de leurs rapports à l’État de droit appellent à une contribution des sciences sociales : la tendance des États membres à gérer au niveau national la question des flux migratoires, qui vient souvent interférer avec les engagements pris au niveau international, suggère le besoin de creuser les rapports entre frontière, pouvoir étatique, et processus d’internationalisation du politique ; la frontiérisation d’espaces publics (gares, péages autoroutiers etc.) qui passe par la mise en œuvre de dispositifs de sécurité qui empiètent sur des libertés et des droits fondamentaux et/ou s’accompagnent de pratiques informelles (ex. contrôles au faciès) questionnent l’effectivité du droit ; ou encore l’adoption de mesures d’exception justifiées par l’urgence de contrer la menace terroriste ou d’intervenir sur la « crise des réfugiés », dont la prolongation et la reconduction fait plutôt penser à une exception institutionnalisée, demandent à ce que la légitimité de certaines institutions publiques soit largement rediscutée.

 

Annalisa Lendaro

Bibliographie

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